L'éditorial

     La Ville. Voilà une invention humaine qui n’a cessé, depuis son origine, il y a cinq ou six mille ans, de croître et de prospérer. À tel point qu’aujourd’hui la moitié de la population mondiale vit en ville et qu’en France, près de 80 % des habitants sont des urbains. Plus encore, la ruralité ellemême n’existe guère hors d’un territoire dominé par la ville. Comment ne pas voir alors que quelques-unes des questions relatives à l’avenir de notre société ou de notre économie sont bien des « questions urbaines » ? Se donner les moyens d’examiner ces questions et de tenter d’y répondre est devenu, pour les citoyens que nous sommes, une exigence et une priorité.
    C’est avec ce souci de faire de la ville le lieu privilégié de nos interrogations actuelles que se lançait la revue Place publique, en janvier 2007, à Nantes. Le promoteur de cette initiative, Thierry Guidet, a trente ans de journalisme derrière lui, dont une bonne partie à Ouest-France et à Nantes. Son but : créer « une revue de réflexion et de débat sur les questions urbaines ». Vaste programme. En fait de « questions urbaines », les auteurs des articles limiteront l’essentiel de leurs investigations à celles qui se posent sur le territoire qu’occupent les agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire. Mais justement, c’est là où la ville est à l’oeuvre, dans le contexte singulier qui est le sien, qu’on peut le mieux percevoir, analyser, interpréter… C’est là aussi, avec ses réseaux et ses identités diverses que l’habitant, le citoyen, le consommateur peut prendre part au débat. Le projet a tenu ses promesses. Place Publique, tous les deux mois, propose à ses lecteurs un nouveau regard sur leur territoire urbain, à partir de solides réflexions formulées par des collaborateurs triés sur le volet. En même temps, la revue suscite et organise le débat.
    Assez naturellement, à Rennes, on s’est intéressé à cette expérience passionnante. Et on s’est demandé si Place Publique n’avait pas vocation à essaimer : une version rennaise était-elle possible ? Bien entendu, ont répondu les fondateurs qui n’ont aucune envie de cantonner l’expérience à Nantes et Saint-Nazaire mais qui souhaitent, au contraire, que de semblables initiatives se prennent à Lyon, Toulouse ou… Rennes.
    Et c’est donc à Rennes que Place Publique connaît sa première duplication: la revue que vous tenez entre les mains est la jumelle, rennaise, de celle qui consacre toute son attention et tous ses talents, depuis près de trois ans, à l’analyse des évolutions de la métropole Nantes / Saint-Nazaire. La première étape d’un réseau qui devrait se tisser peu à peu entre quelques grandes villes françaises.
    La démarche rennaise a pu aboutir à la faveur de l’heureuse conjonction de plusieurs conditions. D’abord, le projet de créer Place Publique à Rennes a suscité un intérêt largement partagé. Ensuite, la proximité de Rennes et de Nantes a sans doute facilité les échanges et l’assistance des fondateurs. Et puis, Rennes dispose d’un important vivier de compétences, à la fois pour former un comité de rédaction qui en exprime toute la diversité et pour s’assurer les nécessaires collaborations qui donneront à la question urbaine toutes les dimensions qu’elle mérite. Mais cela ne suffit pas. Pour animer ce comité et conduire son travail jusqu’à la production de la revue, il faut aussi l’indispensable compétence d’un rédacteur en chef. C’est Bernard Boudic, jusqu’à présent journaliste à Ouest-France, qui assume cette fonction. Enfin, la volonté clairement affirmée de Daniel Delaveau de faire de Place Publique un outil d’analyse et de débat sur les mutations de Rennes-Métropole a, bien sûr, été déterminante car, pas plus à Nantes qu’à Rennes, la revue ne peut s’autofinancer entièrement : en complément des ventes, des abonnements et de la publicité, elle a besoin d’un financement public. Certes, rien n’empêchera quiconque de penser qu’une telle subvention est le signe d’une dépendance certaine. Mais rien ni personne ne nous interdira d’affirmer et de prouver notre ferme autonomie. Comme dans bien d’autres cas analogues, ce financement ne signifie rien d’autre que l’engagement de Place Publique à servir l’intérêt public.
    Il faut prendre à la lettre le slogan rennais : si l’on veut « vivre en intelligence », alors, il est nécessaire de développer les moyens qui vont favoriser cette intelligence. Place Publique est un de ces moyens au service de « l’intelligence de la ville ». D’abord, parce qu’elle met en valeur l’intelligence et le talent dont font preuve ceux qui proposent analyses et réflexions. Et Rennes ne manque pas de ces connaisseurs du monde urbain, qu’ils abordent, selon leurs expertises, sous l’angle culturel, économique, social, patrimonial… La revue a pour ambition de mobiliser leur savoir, d’en montrer les diversités et le pluralisme et, ce faisant, de donner plus de visibilité à ce qui constitue une part de l’excellence rennaise.
    Si Rennes constitue ainsi le terrain privilégié que, dans chaque numéro, Place Publique se propose de sonder, ce terrain n’est ni exclusif ni autarcique. D’une part, parce que les relations qu’entretient Rennes avec son environnement (au sens large) sont partie prenante de sa personnalité. Et, d’autre part, parce qu’il faut évidemment voir ailleurs – en particulier dans le même contexte régional – comment se posent et se traitent les questions urbaines. En d’autres termes, si la matière rennaise est au coeur de Place Publique, la « matière régionale » n’en sera jamais très éloignée.
    Mais, encore une fois, l’objectif est de faire partager ces réflexions, de sortir du cénacle des initiés, bref de rendre la ville intelligible au citoyen. Sans cette perspective, Place Publique ne se distinguerait guère des revues professionnelles ou universitaires. Or sa maquette, son écriture, le rapport qu’elle entretient avec l’actualité, tout vise à la rendre accessible au plus grand nombre. Par ailleurs, Place Publique ne se limitera pas à la seule publication de la revue: un site web devrait voir le jour et permettre l’expression la plus diverse possible, elle prendra également l’initiative d’organiser des débats sur les thèmes qui seront au sommaire de ses numéros. En d’autres termes, Place Publique a l’ambition de donner au citoyen rennais les moyens d’acquérir une meilleure intelligence de sa ville et, du même coup, d’en être un acteur averti. Car les questions urbaines, comme quelques autres, sont d’une complexité et d’une importance trop grandes pour être traitées par les seuls spécialistes…