<
>
Dossier
#30
Le Panthéon rennais, symbole au coeur de la Mairie
RÉSUMÉ > L’hommage rendu aux 936 soldats rennais morts pour la France prend la forme d’une pièce spécialement aménagée dans une aile de l’Hôtel de ville. Décoré des fresques de l’artiste Camille Godet, ce Panthéon est inauguré en 1922 par le maire Jean Janvier. Un geste politique fort dans l’immédiat après-guerre.

     À la fin de la guerre, la municipalité rennaise réfléchit, à l’unisson d’un mouvement qui touche tout le pays, sur la façon de rendre hommage aux « poilus » morts sur les champs de bataille. Parallèlement aux dispositions qui attribuent une concession à perpétuité au cimetière de l’Est pour les soldats français et alliés décédés à Rennes pendant le conflit, elle décide, à l’instigation de son maire, Jean Janvier, d’attribuer une salle de l’hôtel de ville à la réalisation d’un Panthéon pour les soldats rennais morts pour la Patrie durant les combats de la Grande Guerre.
    Le 18 novembre 1918, le maire lit ainsi un rapport en ce sens devant le conseil municipal. Il y rappelle le sacrifice héroïque des soldats français ayant permis le « triomphe de la civilisation » face au « despotisme barbare » et souligne le devoir de la municipalité de « veiller à ce que l’on sache que ceux de Bretagne, ceux de Rennes n’ont cédé leur place à personne au Champ d’Honneur ». Adopté à l’unanimité, ce rapport, daté symboliquement du 11 novembre, témoigne d’une réflexion déjà engagée, dans les semaines précédentes, par le maire et l’architecte de la ville, Emmanuel Le Ray, puisque le dispositif architectural et décoratif est déjà défini dans ses grandes lignes. Surtout, le maire y précise les conditions d’inscription sur « le tableau d’Honneur des Rennais morts pour la Patrie ». Y seraient ainsi inscrits les soldats morts pour la France étant nés à Rennes et y résidant le jour de la mobilisation ou y ayant eu régulièrement leur domicile jusqu’à l’âge de 15 ans au moins.
    L’architecte de la ville est alors chargé de la réalisation de ce projet. Il est déjà prévu d’installer des plaques de marbre, portant le tableau d’honneur « éloquemment long », qui doivent être mises en valeur par une « belle frise picturale représentant des scènes de la vie de guerre de nos soldats » afin notamment d’embellir une décoration purement architecturale qui risquait d’être trop froide. La réalisation de cette frise est attribuée au peintre Camille Godet, ancien élève et professeur de l’École des Beaux-Arts de la ville, lui-même mobilisé pendant la guerre. L’objectif rappelé par l’architecte de la ville est bien que soient placés « en pleine lumière, dans un cadre digne de la grandeur et de la beauté de leur héroïque sacrifice les noms des Enfants de la capitale de Bretagne qui avaient versé leur sang pour la France ». L’unité architecturale et décorative du projet qui s’inscrirait dans la salle située à droite du vestibule de l’aile nord de l’hôtel de ville permettait selon lui de répondre à cette exigence.

     Le 13 septembre 1919, l’architecte de la ville peut rendre compte de l’avancée du projet précisant dans le détail – choix des couleurs, des motifs ornementaux… – le dispositif architectural et décoratif. Il est désormais prévu de réaliser, dans l’axe de la porte d’entrée, un motif central, sorte d’autel à la mémoire des soldats morts où figurerait en son centre le texte de la loi du 17 novembre 1918 ayant pour objet de rendre hommage aux Armées, au Gouvernement de la République ainsi qu’au Président du Conseil Georges Clemenceau et au Maréchal Foch. Peu après, le 19 septembre, le conseil municipal adopte définitivement le projet.
    Sa réalisation se heurte alors à deux difficultés. Tout d’abord, les travaux se révèlent plus longs que prévu et l’inauguration envisagée à l’origine pour le 2 novembre 1920 doit être reportée. Parallèlement, ensuite, il faut procéder au recensement des Rennais morts au combat dont le nom doit figurer au Panthéon. Tenant compte des difficultés de cette opération, le conseil municipal avait décidé en septembre 1919 de procéder à trois appels dans la presse locale afin d’inciter les familles des défunts à se manifester et à apporter les pièces administratives nécessaires en vue de l’inscription de ces derniers. Ces appels ont du reste produit leurs effets et la commission chargée du recensement se félicite le 23 juillet 1920 que 200 familles se soient ainsi manifestées. Finalement, le retard dans la réalisation du projet va se révéler favorable puisque le maire de Rennes évoque avec satisfaction, en juin 1921, un certain nombre de cas qui n’ont été régularisés que durant le mois précédent. Le 22 juin 1921, il peut annoncer au conseil municipal que la liste définitive comprendra 936 noms en se félicitant du travail accompli.
    Ce n’est finalement que le dimanche 2 juillet 1922 qu’a lieu l’inauguration officielle du Panthéon auquel la longue liste des « morts pour la Patrie » rehaussée par la frise de Camille Godet, de 26 mètres de long sur 1,60 mètre de hauteur, donne toute sa solennité. L’artiste y a représenté, entre autres, avec une infinie précision, différentes figures de soldats français et alliés, dans le contexte de la guerre, parmi lesquels ceux du 41e régiment d’infanterie basé à Rennes. Chants patriotiques et concerts scandent cette journée marquée également par les discours du maire, du préfet et du général Passaga, commandant du 10e corps d’armée. Désormais consacré, le Panthéon s’impose alors, avec le monument aux morts des victimes de la guerre de 1870-1871 et les tombes des soldats du cimetière de l’Est, comme un des lieux privilégiés des cérémonies commémoratives de la Grande Guerre.