L'éditorial

     En décidant, à quelques semaines des élections régionales, de s’interroger sur la relation entre Rennes et la Bretagne, Place Publique reste fidèle à sa ligne éditoriale de « revue de débats et de réflexion, centrée sur les questions urbaines au sens large ». Le thème de ce dossier a été élaboré en toute indépendance, et rejoint la problé- matique abordée par nos confrères de Place Publique Nantes qui se demandent, eux, « de quoi Nantes est-elle la capitale ? ». Sa réalisation, toutefois, a été moins simple que prévu. À l’annonce de notre sujet, la plupart des personnalités sollicitées nous ont répondu en deux temps : d’abord, pour reconnaître qu’il s’agissait là d’un excellent choix, et qu’elles seraient heureux de lire ce dossier dès sa parution. Ensuite, pour décliner toute demande d’interview, au motif, précisément, que le sujet était « trop sensible » dans cette période préélectorale. Ce fut le cas, notamment, de la députée-maire de Rennes (PS) Nathalie Appéré, qui a finalement renoncé à s’exprimer, en rappelant, via son entourage, toute la violence des commentaires reçus après sa prise de position en faveur d’un Grand Ouest, lors de la réforme territoriale. À droite, le directeur de campagne de Marc Le Fur, et leader de l’opposition municipale (LR) Bertrand Plouvier a préféré lui aussi s’abstenir. Du côté des médias, même prudence : sollicité en raison de sa situation singulière – siège à Rennes, diffusion sur trois régions de l’Ouest – le quotidien Ouest-France n’a pas souhaité partager son regard sur « Rennes et la Bretagne ». Les milieux économiques ne sont pas en reste, à l’instar de Louis Le Duff, patron emblématique du groupe La Brioche Dorée. Le Léonard, qui fait construire son nouveau siège social face au centre Alma à Rennes, considère qu’il n’est plus possible de dire quoi que ce soit sur le sujet sans créer la polémique.

     Mais pourquoi donc un tel excès de prudence ? Tout simplement parce que le sujet est biaisé par une approche excessivement passionnelle et l’existence de nombreux tabous. Poser la question des relations entre Rennes et la Bretagne, c’est au choix, considérer que Rennes n’est pas une ville bretonne (ce qui est souvent entendu du côté le plus occidental de la région), que Rennes ne « joue pas le jeu de la Bretagne » en concentrant tous les pouvoirs, politiques et économiques, ou au contraire, que Rennes ne revendique pas assez les couleurs du Gwen ha Du et que les initiatives pour inscrire la langue bretonne au coin des rues et dans les écoles sont beaucoup trop timides… Autant de pistes que Place Publique a exploré, avec le concours de nombreux observateurs aux approches parfois divergentes, en tentant d’éviter le double écueil de la caricature et de la simplification. Les relations entre la Bretagne et la capitale régionale sont donc ici abordées à travers de multiples prismes : l’histoire, bien sûr, qui explique à elle seule bien des malentendus. L’économie et la géographie, qui dessinent des interactions souvent complexes dans une logique multipolaire. La politique et l’aménagement du territoire, dans une région qui présente la singularité d’abriter deux métropoles, Rennes et Brest, et de nombreuses villes moyennes. La culture, si présente en Bretagne, par la langue, la musique, le sens de la fête… Le sport aussi, à l’heure où le stade de la Route de Lorient se rebaptise du patronyme breton Roazhon Park.

     À la lecture de ces différentes analyses, il apparaît clairement que la relation entre la capitale et sa région n’est pas exempte d’ambiguïtés, mais qu’elle gagnerait à être abordée de manière décomplexée. Sans doute souhaiterez-vous, à votre tour, réagir et partager votre point de vue sur la question. N’hésitez pas à le faire sur notre site internet et les réseaux sociaux.