L'éditorial

     La ville fait rêver, son mouvement permanent est synonyme de vie. Mais sa construction cristallise aussi les critiques. Trop de chantiers, trop de béton, trop de bruit… Sa fabrication bouscule les habitudes, modifie les parcours, contraint au partage de l’espace et des modes de vie. Pourtant, quelle aventure passionnante que celle qui consiste à imaginer la ville de demain, dans ses formes et dans ses usages ! L’exercice requiert de multiples compétences, à la fois techniques et sensibles, historiques et prospectives. Faut-il alors parler – le terme est à la mode – de laboratoire urbain pour décrire ces innovations ? L’expression peut, à juste titre, effrayer, car les habitants ne sont pas des cobayes livrés au bon vouloir de spécialistes hors-sol. En revanche, elle sonne juste si l’on aborde la question sous l’angle de l’expérimentation, non pas imposée, mais co-construite.
     Le projet urbain peut offrir un formidable terrain d’expression à la participation citoyenne. Encore faut-il qu’il soit compris et partagé par le plus grand nombre. Comment associer les habitants aux métamorphoses urbaines qui transforment leur quotidien ? Quelles initiatives prendre pour les aider à intégrer un temps long, qui les projette parfois sur plusieurs décennies ? Comment partager les enjeux démographiques, économiques, techniques, sociologiques qui sont indissociables de toute réflexion en matière d’urbanisme ? C’est là que le « récit urbain » prend toute son importance.
     Il ne s’agit pas de raconter une « belle histoire » pour endormir les consciences et désamorcer les conflits. Mais bien de trouver les mots pour susciter l’adhésion à un projet, sans nier sa complexité, en soulignant au contraire son articulation globale. On le sait, désormais, « tout fait ville ». L’arrivée du métro nécessite de s’interroger sur les services associés, les logements et les bureaux. Le débat sur la densité ne peut être compris si l’on ignore les perspectives démographiques à moyen terme et les conséquences irréversibles de l’étalement urbain. Pour être acceptées, les démolitions de maisons et leur remplacement par des programmes de logements collectifs méritent plus qu’un simple panneau de chantier en guise d’explication.
     C’est tout cela, le récit urbain : une capacité politique à porter et à partager une vision collective. Dans l’agglomération rennaise, il commence à se (re)mettre en place, au gré de l’avancement des grands projets métropolitains. Il faut souhaiter que cette démarche indispensable ne soit pas assimilée à une simple opération de communication, mais qu’elle suscite de vrais débats dans la ville autour de ces questions qui concernent chacun d’entre nous.
     Dans ce dossier consacré à l’urbanisme, Place Publique est allé à la rencontre de celles et ceux qui font la ville. Ils évoquent, évidemment, les grandes opérations qui redessinent le territoire. Les spécialistes que nous avons interrogés ne se limitent pas à une présentation technique des dossiers. Ils militent de plus en plus pour une appropriation « sensible » de ces questions urbaines par les habitants eux-mêmes, qu’ils soient particuliers, acteurs associatifs, administrations ou entreprises… Dans ce domaine, Rennes dispose de réels atouts, et elle peut aussi utilement s’inspirer d’initiatives qui ont fait leurs preuves ailleurs. Les exemples cités dans nos pages prouvent que c’est possible, sans pour autant céder à la tentation du « populisme urbain » qui exonérerait les responsables de toute vision stratégique.
À l’heure où les questions de citoyenneté s’invitent de manière brûlante dans l’actualité, cette pédagogie de l’urbanisme s’impose plus que jamais. Elle devrait même être enseignée dès le plus jeune âge. Car comprendre les enjeux de la ville aide à y trouver sa place et à s’y sentir bien, tout simplement. Bonne lecture !