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Contributions
#13
Une Vilaine érotique contée par Hoffmann
RÉSUMÉ > Pour compléter notre dossier sur la Vilaine paru dans Place Publique n°13, voici une curiosité littéraire venue d’Allemagne. Elle émane du célèbre Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, l’auteur des fameux Contes, appelé aussi E.T.A. Hoffmann. En 1815, il fait paraître anonymement un récit libertin intitulé Sœur Monika. Un épisode de l’histoire se déroule dans une campagne rennaise idyllique aux allures d’Arcadie, siège d’ébats sensuels où la Vilaine apparaît comme une rivière coulant dans une « riante vallée » propice aux bains purificateurs… Ce récit maintes fois réédité à l’époque contemporaine est considéré comme une sorte ce chef d’œuvre de la littérature érotique. Quelques extraits.

     « … J’en conclus donc qu’une belle fille vaut plus que toute l’histoire du monde et je miserais volontiers toute la Vilaine, aux rives de laquelle si souvent je m’ébatttis et dans les flots de laquelle je purifiai si souvent mon corps, contre ma propre méchanceté, s’il n’en est pas ainsi.

     Mon père régissait, dans les environs de Rennes, la métairie de Travemorte qui comptait parmi les nombreux domaines de Mlle de Sarange, l’une des plus riches héritières de la région. De vastes et nombreuses prairies, des champs de trèfle et quelques vergers nous occupaient bon an mal an et nos cerises attiraient de nombreux amateurs de Rennes, la ville voisine  

     (…)Dans ma treizième année, au temps de la fenaison, mon père m’envoya à Rennes porter chez Mlle de Sarange une coquette somme, montant des fermages. (…) Non loin de Vitry, dans une riante vallée d’aulnes et de hêtres, je trouvai, dormant sur l’herbe, une ravissante fillette. Un grand chapeau de paille recouvrait son visage et un mouvement qu’elle avait fait dans son sommeil avait découvert son genou gauche plus haut que sa jarretière grise.
     Cette vue répandit dans mes veines un feu aussi soudain que la foudre et le mâle héritier de ma force se trouva prêt pour le combat avant même d’avoir aperçu le champ de bataille.
     (…)
     Je garde encore le souvenir délicieux de ce premier plaisir de ma vie sensuelle.
     (…)
     Quand apparurent les tours de Rennes, on eût entendu battre mon coeur au-dessus de l’innocent corpus delicti; mais plus j’approchais de la ville, plus je respirais librement ».
     Peut-être le facétieux Hoffmann, qui connaissait le français, a-t-il choisi notre rivière bretonne par antiphrase… Si l’on cherche dans les environs de Rennes un quelconque Vitry, on ne le trouvera pas. En revanche, ce toponyme fait naturellement penser à Vitré, où coule la Vilaine.

Anonyme [HOFFMANN E.T.A.], Schwester Monika, Poznan (Posen), 1815. En traduction française, on trouve Soeur Monika chez France Loisirs (1984), en Pocket poche (1989), chez Phébus (1991), chez La Musardine (1997), en Cercle poche (2007), Le Monde et éditions Garnier (2010), etc.