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Dossier
#19
Rennes, référence pour le droit au logement
RÉSUMÉ > On enregistre très peu de recours Dalo (droit au logement opposable) en Ille-et-Vilaine: seulement une vingtaine par an quand des départements comparables en enregistrent plus de mille. C’est le fruit d’une politique d’attribution de logement et d’une concertation qui traite la question bien en amont, explique ici Bernard Lacharme.

     Là où l’on se contente d’additionner les politiques communales, on court le risque de laisser de côté une partie de la population, généralement la plus fragile. On s’expose à la tentation du protectionnisme territorial: les plus pauvres seront toujours mieux sur la commune d’à côté. On s’interdit de répondre à des objectifs collectifs tels que l’optimisation de l’utilisation des espaces, la rationalisation des transports collectifs ou encore la cohérence des formes urbaines. Au 21e siècle, c’est la communauté d’agglomération qui est la plus proche du bassin d’habitat, c’est-à-dire du territoire dans lequel s’inscrivent les besoins et où, par conséquent, doit s’organiser la réponse. 
     L’agglomération de Rennes est connue pour sa pratique ancienne de dialogue entre la ville centre et sa périphérie. Du district à la communauté d’agglomération, on a su y partager les diagnostics, définir un projet commun, dessiner ensemble le visage de la métropole. On s’est mis d’accord sur des questions aussi sensibles que la répartition spatiale des logements à produire et, à l’intérieur de cette répartition, sur la part respective du social, de l’accession aidée, du logement libre. Avec un observatoire de l’habitat en 1979, un premier programme local de l’habitat en 1983, Rennes est souvent citée en exemple pour l’antériorité de ses politiques de l’habitat. Ce qui débute chez beaucoup d’autres est déjà ancien chez elle, et cela procure un avantage essentiel en termes de capacité à répondre aux besoins.

     Car les politiques du logement sont affaire de long terme. Entre le moment où l’on décide de construire un immeuble et son inauguration il se passe entre trois et cinq ans. Et que dire du temps amont, pour élaborer les documents définissant quels espaces seront constructibles et avec quelles contraintes – de densité notamment –, puis pour procéder aux acquisitions de terrain qui permettront à la collectivité de disposer des moyens de sa politique, enfin pour réaliser les opérations d’aménagement?
     Mais cette dimension de long terme doit aussi s’articuler avec le court terme, voire l’urgence, car le besoin de logement, lui, relève de l’immédiat. Le jeune à la recherche de son premier logement, la personne en détresse accueillie pour quelques mois dans un centre d’hébergement, le salarié muté d’une autre région pour travailler dans l’agglomération de Rennes, ne se sentent pas concernés par les Scot, Plu, Plh et autres plans aux sigles barbares dans lesquels la puissance publique inscrit ses intentions pour demain. Leur besoin de logement: c’est pour aujourd’hui! Il s’agit donc de le leur rendre accessible.

     De ce point de vue aussi, Rennes mérite d’être citée en exemple. Alors que la ministre du Logement inscrit la réforme de l’attribution des logements sociaux à l’ordre du jour d’une grande concertation nationale, que le congrès de l’Union sociale pour l’habitat se penche sur le sujet, les regards se tournent naturellement vers la méthode de hiérarchisation de la demande instaurée à Rennes. Ce n’est pas un hasard si nationalement le Comité de suivi du droit au logement opposable, et récemment un rapport sénatorial, y font référence. En adoptant une méthode qui permet d’attribuer les logements sociaux selon des critères objectifs, parmi lesquels la situation actuelle de logement et l’ancienneté, Rennes s’est mise en situation de reloger les ménages en difficulté sans attendre qu’ils aient besoin de faire recours. De ce fait, on enregistre très peu de recours Dalo en Ille-et-Vilaine : une vingtaine par an seulement quand des départements comparables en enregistrent plus de mille.
     Un autre outil qui permet à l’agglomération rennaise de traiter, en amont du recours Dalo, les situations des ménages en difficulté, c’est sa Commission du logement. Cette instance réunit tous les acteurs concernés, communes, services sociaux du département, bailleurs sociaux, associations. Au lieu de se renvoyer la « patate chaude » de ces personnes ou familles qui cumulent les difficultés pour accéder à un logement ou s’y maintenir, on se concerte, on conjugue les interventions, et ça marche!
     C’est donc parce qu’elle a su articuler à la fois les deux échelles spatiales, commune et intercommunalité, et les deux échelles temporelles, le temps long des politiques de construction et le temps court de la réponse aux besoins immédiats, que Rennes représente aujourd’hui une référence pour les acteurs du logement, et particulièrement pour ceux qui se battent pour que le droit au logement soit partout respecté.