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Dossier
#35
RÉSUMÉ > C’est l’une des grandes tendances du moment : comment favoriser la mixité des usages dans l’habitat, en partageant logements et bureaux, ou en facilitant les échanges intergénérationnels ? Séduisante dans son principe, la mixité se heurte à de nombreux obstacles, techniques, réglementaires ou sociétaux. Le point sur deux projets rennais emblématiques de cette approche innovante : l’immeuble de bureaux et logements Eurosquare, porté par le groupe Giboire, et la résidence intergénérationnelle de Néotoa, dans le quartier de Beauregard.

     Dans le nouveau quartier EuroRennes, le futur immeuble Eurosquare, à l’extrémité de l’avenue des Français- Libres, devrait être le premier bâtiment mixte abritant à la fois des bureaux et des appartements. Porté par le groupe immobilier rennais Giboire, il offrira 5 niveaux d’activités et de bureaux et 3 niveaux de logements à l’horizon 2017.
     Plus au nord, dans le quartier Beauregard-Quincé, c’est à la création d’une résidence intergénérationnelle que travaillent les équipes du bailleur social Néotoa, en proposant dans un même ensemble différentes fonctionnalités pour résidents jeunes et seniors, sans oublier des ateliers d’artistes.
     Le point commun de ces deux programmes immobiliers rennais, a priori bien différents ? Chacun à leur manière, ils incarnent une nouvelle tendance dans l’art de faire la ville, en mariant les usages et les fonctions. La démarche, évidemment, demeure expérimentale, tant cette mixité bouscule les habitudes. « La mixité des fonctions n’est pas une nouveauté en soi : regardez les immeubles haussmanniens à Paris, qui abritent souvent des appartements et des activités professionnelles libérales (cabinets de médecins ou d’avocats, par exemple) ! Mais dans un immeuble neuf, cette mixité est plus compliquée à réaliser en raison des flux de circulation et de la gestion des copropriétés », analyse Xavier Hébert, directeur général du groupe Giboire, qui reconnaît que ce parti pris engendre des contraintes particulières. Dans le cas de l’immeuble Eurosquare, l’équipe d’architectes lauréate du projet, le cabinet parisien UAPS - créé par Anne Mie Depuydt et Erik Van Daele, il assure également la maîtrise d’oeuvre urbaine de l’Île de Nantes - a choisi de ne pas différencier les destinations des étages par un traitement particulier de la façade. Toutefois, sans surprise, ce sont les étages élevés, les plus ensoleillés, qui accueilleront les logements, tandis que les bureaux constitueront le « socle » de l’immeuble. Une des questions sensibles à résoudre dans ce cas précis concerne le partage des espaces privatifs. Ainsi, l’accès aux bureaux pourrait finalement bénéficier d’une entrée distincte et sécurisée. Autre difficulté, d’ordre technique, celle-là : les hauteurs de plafond doivent être plus élevées dans les bureaux pour tenir compte des « plafonds techniques ». Côté logements, et dans un souci de mixité également accru, le programme devrait proposer des « appartements kangourou », avec un T4 et un T1 accolés, qui pourrait accompagner l’évolution des besoins des propriétaires dans le temps.

     Cette préoccupation se retrouve dans le programme de résidence intergénérationnelle en cours de conception par Néotoa, dans le quartier Beauregard-Quincé, et qui devrait voir le jour à l’horizon 2018. « À travers ce programme, nous visons un triple objectif : lutter contre l’isolement des personnes âgées, créer du lien et s’ouvrir sur l’ensemble du quartier », explique Sandra Leblond, responsable du pôle « habitat pluriel » chez le bailleur social. Au programme : un ensemble de 119 logements locatifs sociaux et 85 logements en accession (aidée, intermédiaire et libre), 6 ateliers d’artistes (dont 2 dotés d’un logement), 41 logements adaptés aux personnes âgées (soit le tiers du programme). L’une des originalités du projet, conçu par le cabinet d’architecture rennais a/ LTA, consiste à proposer 8 logements associés : il s’agit d’offrir une pièce partagée entre deux logements, l’un à vocation familiale et l’autre plutôt destiné à des seniors, dans une logique d’entraide et de lien intergénérationnel. « Nous travaillons sur ces questions innovantes avec la Chaire Habitat Intelligent de la Fondation Rennes 1, animée par Michele Dominici », confie Sandra Leblond, qui reconnaît que l’une des difficultés sera de trouver les locataires « compatibles » et intéressées par cette démarche inédite. À coup sûr, l’approche traditionnelle de l’attribution des logements sociaux fondée sur des critères purement socio-économiques ne pourra suffire à déterminer le voisinage idéal !
    Toujours dans cette optique de mixité et d’ouverture, la résidence proposera également un lieu de convivialité, dans un chalet à l’extérieur du bâtiment principal, ouvert sur des jardins partagés. Il sera accessible aux habitants et aux associations du quartier, abritera une buanderie et le bureau de l’agent de proximité en charge de la résidence. Les ateliers d’artistes, quant à eux, renverront comme un clin d’oeil aux collections du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) tout proche. « Nous souhaitons que les artistes qui s’y installeront créent une oeuvre pour la résidence », explique Sandra Leblond.
    Chacun dans leur domaine, le programme Eurosquare et la résidence intergénérationnelle de Beauregard (qui n’a pas encore de nom commercial !), proposent des pistes intéressantes pour faire la ville autrement. L’un comme l’autre n’ont pas fait le choix de la facilité. Rendez- vous dans trois ans pour vérifier comment et jusqu’où la générosité de l’intention initiale s’est concrétisée dans la construction.