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Dossier
#20
Dans les quartiers, la solution des Maisons de santé
RÉSUMÉ > Les Maisons de santé apparaissent comme une voie d’avenir. Cette appellation générique ne correspond pas à un modèle unique. Un exemple : celui du Gast au nord de Rennes. Face aux difficultés du quartier, cinq médecins et deux orthophonistes ont créé une Maison de santé. Elle s’est ensuite élargie à un Pôle santé qui intègre d’autres professionnels, notamment des pharmaciens.

     « Une Maison de santé, ce n’est pas un modèle décidé d’en haut et que l’on déclinerait sur les territoires, sans tenir compte de leur spécificité. Ce qui compte, c’est la démarche et le projet de santé que l’on élabore et que l’on porte dans une réalité concrète ». Voilà l’un des messages de trois professionnels de santé rencontrés dans le quartier du Gast à Rennes . Pétris d’une expérience déjà longue sur ces lieux mêmes, ils se trouvent tous trois impliqués dans la construction de la Maison et du Pôle Santé, dans ce quartier du nord de Rennes. 

Dépasser le tête-à-tête entre médecin et patient

     Jean-François Besnard, un des pionniers du projet, rappelle que l’initiative est née d’une volonté de faire évoluer les pratiques dans un monde qui bouge beaucoup et où la réalité sociale et économique est responsable d’une dégradation la santé des habitants. Ainsi, le tête-à-tête entre le médecin et son patient, le colloque singulier, ne suffit plus à répondre aux besoins des gens. « Le risque, c’est de rester sur le curatif. On ne peut vraiment pas s’en satisfaire », estime-t-il. Donc, ne pas se contenter d’attendre dans son cabinet en répondant simplement à la demande des patients qui poussent leur porte. D’où la « nécessité d’être proactif ». En clair, faire évoluer les pratiques, afin de permettre aux gens de mieux prendre en compte leur santé en les intégrant vraiment dans un parcours de soins.

     Une telle démarche ne peut exister qu’à plusieurs. «On a donc lancé une opération en direction de tous les généralistes du quartier pour voir s’ils voulaient travailler ensemble… Des réflexions se sont prolongées entre cinq médecins de deux cabinets différents et deux orthophonistes ». Le souci de tous était d’organiser un meilleur accès aux soins des habitants et d’assurer une continuité de ces soins. Pour le Dr Besnard et les professionnels mobilisés autour de lui, il s’agissait d’emblée de s’inscrire dans une démarche de long terme. Donc de construire du solide. Première étape : élaborer un projet de santé pour le quartier, en tenant compte de la situation réelle de celui- ci.

     Écrire un projet est une chose, le mettre en oeuvre en est une autre. D’abord disposer d’un lieu. Un local situé près de l’Ehpad et une annexe de l’hôpital de jour de Guillaume-Reigner furent trouvés. Ils offraient de bonnes conditions d’accessibilité et répondaient à l’objectif d’être inséré dans le quartier. Son emplacement permettait aussi de tisser des relations de proximité avec les structures médicosociales. Le projet, porté par sept professionnels « qui avaient une expérience et une ancienneté de cinq ans à vingt-cinq ans dans ce quartier », a reçu le soutien de l’Agence régionale de santé de Bretagne.

     Ensuite, la création d’un Pôle santé a permis de développer des coopérations avec d’autres professionnels. Ainsi avec des pharmaciens, ont pu se développer des actions de prévention dans le domaine de l’hypertension artérielle. L’un des pharmaciens impliqués, Lucien Désert, par ailleurs président de l’Union régionale des pharmaciens de Bretagne, se félicite de « l’existence d’un projet de santé dans le quartier du Gast » car c’est lui qui a permis « de concrétiser notre volonté de coopérer avec d’autres professionnels pour mieux organiser le suivi des patients. La pharmacie est une des portes d’entrée dans le système de soins ».
     Aujourd’hui, au-delà de cette action ciblée sur l’hypertension artérielle, les coopérations entre professionnels permettent d’assurer un meilleur suivi des patients « en prenant en compte le fait que les pharmaciens sont des professionnels du soin de premier recours ».

     Cette coopération implique également les professionnels du service de soins infirmiers à domicile de la Mutualité, implanté dans le quartier (SSIAD). Pour Catherine Guibert, responsable du SSIAD, le Pôle santé permet de faire coopérer médecins et infirmières dans le suivi des patients. Elle cite l’exemple d’une action précise intitulée « Nutrimut », qui porte, comme son nom l’indique, sur l’éducation en matière d’alimentation. « Ce sont les médecins qui identifient les patients pour ce programme. Ensuite il y a tout un travail d’accompagnement qui se fait pour que les gens entrent dans le programme mis en oeuvre par notre service ». Une autre démarche est initiée par le pôle. Elle consiste à mettre en oeuvre, une évaluation de la prescription des pansements et de leur application.
     À l’heure où l’organisation de la médecine de ville pose, l’initiative des professionnels du quartier du Gast mérite d’être soulignée. Il ne s’agit pas de la dupliquer partout de la même façon. Ce serait contraire à son esprit. Mais de montrer que des possibilités existent. Sachant que ces dispositifs nouveaux exigent volonté et engagement, et probablement davantage de soutien et de valorisation qu’ils n’en connaissent aujourd’hui.