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Initiatives urbaines
#11
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Eso-Rennes (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique.

Décidément, le marketing n’est pas en manque de ressources en particulier dans les transports en commun qui sont en train de devenir un lieu les plus investis sur ce plan-là. Aux Pays-Bas, les personnes s’asseyant sur le banc d’un abribus de Rotterdam voient immédiatement leur poids s’afficher sur la sucette intérieure. Une méthode radicale les invitant ainsi à se rendre… dans l’un des clubs de la chaîne Fitness First, instigatrice de cette campagne avec l’agence néerlandaise N+5. Face au froid, les Américains de Caribou Coffee réchauffent quant à eux les usagers sous des abribus équipés d’une vraie résistance. Au Minnesota, les créatifs de l’agence Colle+McVoy ont misé sur l’image réconfortante que pourrait apporter la transformation d’un abribus en four géant, avec boutons de thermostat et grill intégrés. La mise en scène est complétée par un visuel illustrant des petits pains chauds et un café fumant. De quoi mettre en appétit les plus matinaux des travailleurs.
Autre lieu autre idée, avec ces fauteuils de bus implantés dans les supermarchés pour inciter à prendre les transports. Afin d’optimiser son budget de communication, la ville canadienne de Rimouski a décidé d’installer des fauteuils de bus dans divers endroits insolites de la ville pour communiquer sur son nouveau service de transports en commun, Citébus. La ville souhaite par ce biais mieux informer les habitants de l’existence de nouvelles lignes de bus. Derrière ces éléments de distraction se pose une véritable question quant à la cogénération de l’espace public par les habitants et usagers, encore trop insignifiante en général.

Décidément, cela bouge beaucoup en ce moment côté berges dans les villes en France. Après Angers qui a lancé fin 2010 son vaste projet de réaménagement des berges de la Maine, voici Paris qui présente son projet « affiné » d’aménagement des voies sur berges. Le projet, controversé, qui consistera notamment à piétonniser une partie des quais bas, a été précisé en tenant compte des observations du préfet de Police. Qu’est-il donc ressorti de la grande concertation publique lancée par la Ville en septembre 2010, adossée à un site internet ? Une extension du projet à la totalité des berges et non seulement quelques arrondissements (centraux) comme initialement prévu, de quoi déjà contenter quelques jaloux.
Lyon ne perd par le fil, visant aussi à donner un nouveau visage aux rives de Saône. La communauté urbaine de Lyon vient de présenter le premier volet d’un projet de ce réaménagement qui prévoit notamment la création de 25 km de promenades entre le quartier Confluence et l’Ile Barbe, un projet de berges dans la continuité de celui engagé il y a quelques années. Sept équipes de maîtres d’oeuvres, des paysagistes et des artistes ont déjà planché ensemble sur le futur visage de cette promenade.
Caen n’est pas en reste avec le renouvellement urbain de sa presqu’île dont les trois lauréats viennent d’être désignés pour quatre ans : Djamel Klouche, François Leclercq et MVRDV…une sélection « stratégique » qui mélange des acteurs du Grand Paris et des spécialistes de l’urbanisme autour de l’eau. Tant qu’à amener les habitants à renouer avec l’eau, La Ciotat se distingue par sa mise en place d’une plage non-fumeur – a priori, une première – pour « en finir avec les mégots sur les plages ». Les baigneurs, paraît-il, utilisaient bien les cendriers mais un brin paresseux, les vidaient… sur place plutôt que dans les poubelles.

Étalement et périphéries urbaines, ça décoiffe...

Voilà qui risque de déconcerter nombre d’élus ne jurant que par la densité : la Banque mondiale a repris un rapport américain d’après lequel les villes doivent « s’étaler dans l’espace ». On rétorquera que cela concerne les pays en voie de développement, certes, mais ce n’est pas moins une incitation faite à ces villes à ne pas se limiter dans l’espace, en soutenant un rapport qui prône des « limites généreuses » afin de se préparer à leur croissance démographique, plutôt que la densité et l’instauration de « ceintures vertes ». L’organisation d’aide au développement affirme également que le modèle urbanistique dominant qui guide aujourd’hui l’expansion des villes et des aires métropolitaines est basé sur l’endiguement de l’étalement, mais cet endiguement n’est pas adapté pour les pays en voie d’urbanisation rapide où se situe la plupart de la croissance démographique.
Toujours dans les périphéries, belle initiative à Saint-Omer où un projet singulier de crèche et halte-garderie a été présenté aux enseignes de la zone commerciale des Frais-Fonds, porté par six anciens salariés d’Artex (entreprise de confection d’Arques fermée en 2009) actuellement en reconversion. Le futur équipement accueillera des enfants de salariés et de clients. L’investissement est évalué à un million d’euros. L’ouverture est prévue en 2013. Mieux encore : et si on adaptait les crèches aux mobilités pendulaires ? C’est le projet de Cognac, pourtant bien dotée sur ce planlà. D’abord, avec un souci de diversification, depuis 2008, la Jeune chambre économique prépare une crèche interentreprises, qui rendra bien service à une population venant travailler dans l’agglomération. Puis, plus original encore, une autre offre de gardes, s’adresse aux familles des quartiers qualifiés de sensibles : une crèche itinérante, limitée à six places, dont le nom, Trampoline, dit tout. « Dans le diagnostic sur la petite enfance, établi en 2009, ressortait une forte demande des familles pour un endroit qui offre un moment de répit, le temps de souffler. L’idée est que cela serve aussi de tremplin… vers les équipements existants : CQFD !

Et voilà que Strasbourg veut passer à 30 km/h sur 70 % de son territoire, pour devenir une immense « zone 30 ». La capitale alsacienne, première grande ville lente ? Elle n’a cessé de montrer la voie en matière de circulation apaisée et veut mettre les bouchées doubles avec ce projet inédit en Europe. Le détail des voiries concernées par cette révolution n’est pas connue, mais à priori seuls les grands axes desservant les sorties de la ville et ceux contournant le centre seront maintenus à 50 km/h, toutes les autres rues passant à 30 km/h, voire moins pour les zones de rencontre, limitées à 20 km/h. Mise en place : pas avant l’été 2012.
Autre première, à Varsovie cette fois qui va accueillir un métro intégralement recyclable et « éco-conçu ». Afin de répondre aux attentes des villes qui recherchent des transports à la fois doux et durables, Siemens a créé Inspiro. Si les premières rames de ce métro futuriste roulent déjà à Oslo, la capitale polonaise devrait voir débarquer les siennes d’ici fin 2012. Une attention particulière a été portée au remplacement aisé des pièces usées ou cassées. Le diagnostic à distance facilite la maintenance, ce qui augmente la disponibilité des rames en service et évite de les immobiliser trop longtemps. Enfin, le freinage électrodynamique permet de réduire l’émission de particules fines et le bruit lors de l’arrêt de la rame. Dernière touche pratique pour l’exploitation : les rames peuvent indifféremment être conduites par un conducteur ou automatisées. Et les portes encadrées de LED, signalent leur fermeture imminente aux passagers, par un subtil jeu de lumière futuriste. Ouf !

L’innovation urbaine redouble, sur terre comme sur l’eau

L’agence AREP, filiale du groupe SNCF, a été mobilisée par les autorités russes (lassées des grands monuments) pour construire une « Silicon Valley » dans la banlieue de Moscou. Skolkovo est appelée à devenir rien moins qu’une ville de l’innovation. AREP propose ainsi de construire un grand centre de recherche, sorte de village urbain, qui comprendra cinq petits villages conformément à cinq axes de travail, dont l’efficacité énergétique, les hautes technologies, les télécommunications, les technologies nucléaires et biométriques. Ce projet prévoit également l’aménagement d’un grand espace commun dans le centre de Skolkovo, où sera construite notamment une université de la recherche. Cette version russe de la « Silicon Valley » d’un montant compris entre 4,3 à 4,8 milliards d’euros devrait voir le jour dans 3 à 5 ans.
Dans le même ordre de nouvelle cités originales, ce village flottant que va accueillir Glasgow, concept d’aménagement particulier pour redynamiser d’anciens docks. Ce village de loisirs, qui comprendra des magasins, des bureaux, des logements, a été pensé par une agence de design écossaise et un cabinet d’architectes londonien ; il est appelé à constituer une véritable communauté flottante. Le site sera interdit aux voitures, et les déchets seront récoltés par barges. Plus déconcertante, cette initiative de la ville de Redditch, près de Birmingham en Angleterre a largement fait parler d’elle : un conseil de quartier y milite pour chauffer la nouvelle piscine grâce à la chaleur émise par le crématorium voisin, permettant par ce « recyclage » d’économiser près de 17 000 euros par an. Intéressant pour interroger certaines absurdités d’une injonction croissante au « tout écologique ».

Place publique aux abeilles, à Oslo : la Triennale d’architecture d’Oslo vient de primer une proposition pragmatique en faveur de la réhabilitation des berges (encore !) et du renforcement des liens sociaux : le projet Palynopolis des architectes norvégiens Eriksen Skajaa et Christina Charlotte Tolfsen propose de transformer le parc Vaterland d’Oslo en parc à ruches et jardins partagé. Pas si insignifiant quand on sait que de grandes enseignes comme Monoprix placent désormais des ruches sur le toit de leur magasin…et commercialisent le miel.
Pas moins écologique, une entreprise collecte les déchets alimentaires des commerçants en vélo. Pain sec, laitue défraîchie, épluchures de fruits et légumes… Si les habitants du district du Greater Victoria au Canada ont déjà la possibilité de faire collecter leurs déchets alimentaires par l’entreprise reCYCLISTS, cette dernière offre un service similaire aux commerçants depuis septembre 2010. Les employés de cette entreprise ont la particularité d’effectuer leurs tournées sur un tricycle, tractant une petite remorque pouvant charger jusqu’à 136 kg de matières organiques qui seront transformées en compost revendu localement. Tous les commerces et organismes publics sont concernés, en particulier ceux par où transitent une grande quantité d’aliments, comme les restaurants, les hôtels, les supermarchés, les écoles ou les hôptaux. .

Il n’est jamais aisé de placer des Foyers de jeunes travailleurs en ville. Strasbourg se distingue avec une résidence assez exemplaire à base de structure poteaux-poutres et de façades en béton poli, bel exemple de montage complexe de logements sociaux, et d’insertion urbaine. En effet, l’ouverture de la résidence sur la vie du quartier se traduira dans les rez-de-chaussée par une crèche et une laverie automatique, la laverie automatique abritera également une conciergerie et un « bar à linge », ouvert à tous, pour patienter agréablement en attendant le nettoyage des vêtements. L’opération était loin d’être simple à défendre : il fallait notamment proposer une inscription réussie dans le secteur notamment le bâtiment du 18e classé monument historique, situé juste en face. L’ensemble, livré en 2013, prouve que ces résidences peuvent aussi contribuer à la vie de la ville et réciproquement.
Toute autre chose, la Mecque vient d’inaugurer son métro. Celui-ci transportera les millions de fidèles qui se rassemblent chaque année pour le traditionnel pèlerinage vers le lieu saint. Construit par un consortium chinois, China Railway Corp., il sera l’unique train au monde à ne circuler que cinq jours par an ! Pour l’instant, ce métro à double voie ne compte que neuf stations, et relie les trois lieux saints de Mina, Mouzdalifa et du Mont Arafat. Il devrait transporter jusqu’à 3 000 personnes simultanément et sera réservé, cette année, aux seuls pèlerins des monarchies du Golfe. D’un coût de 1,8 milliard de dollars, cette ligne remplacera les quatre mille bus utilisés jusqu’ici pour le transport des fidèles.