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Portfolio
#22
RÉSUMÉ > Photographe à Rennes, Caroline Ablain est issue l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles dont elle est sortie diplômée en 2004, après des études en histoire de l’art et en archéologie. Ses recherches sur la rencontre entre photographie et spectacle l’ont amenée à collaborer avec le TNB et le Musée de la danse.

     Ses images sont publiées régulièrement dans la presse nationale et spécialisée, ainsi que dans l’édition. Depuis plusieurs années, elle enseigne la photographie lors de stages et d’ateliers, notamment au Centre culturel du Triangle, où elle propose à chacun de construire une démarche artistique à travers un projet personnel. Le travail de Caroline Ablain sur l’espace et le portrait révèle un goût pour la mise en scène et la théâtralité de la lumière. Ses photographies sont traversées par des influences picturales, les toiles de Rembrandt, Le Caravage ou Vermeer ont imprimé sa mémoire visuelle. Cela se retrouve dans les séries dont elle est l’auteur: « Sens uniques », exposé à plusieurs reprises depuis 2004, « Le Voyage » projeté lors de Mettre en scène 2008 à partir d’un travail avec la metteure en scène Marine Bachelot; « Short stories » ou encore « 87, rue de l’Alma » (2011) qui décrit une lente déambulation dans la maison de sa grand-mère, avant la démolition programmée par la Ville. Caroline Ablain travaille actuellement sur plusieurs séries : « Stadium » – espaces sportifs déserts dont le vide constitue déjà un décor, « Je suis née ici » – série à gestation lente déployant une galerie de portraits en face à face. http://www.carolineablain.com

      « Taille 44 », c’est ce qu’indique l’étiquette d’un étroit maillot de bain des années 50, retrouvé dans une valise de vêtements ayant appartenu à ma grand-mère. Il est trop petit pour moi, marquant ainsi l’écart qui me sépare des mensurations de l’époque. Je réalise que je sais très peu de choses de la femme qu’elle était, que je ne connais presque rien de son histoire. Qu’est-ce qui se transmet sans se dire, d’une génération de femmes à l’autre ? De quoi ce temps et ce silence sont-ils faits ? J’imagine alors une série d’autoportraits, dans laquelle je passerais ses robes une à une, comme un rituel pour remonter le temps vers elle et vers mon enfance, où elle me laissait les porter pour me déguiser. J’ai hérité de ses traits, aujourd’hui je lui prête mon visage et m’approprie son identité tout en perdant la mienne dans l’intimité de ses vêtements. À mesure que la séance avance, je traverse le siècle passé et les étapes successives de sa vie. Je rejoue sa jeunesse, son mariage, la naissance de ses enfants, sa vie de femme… Ma grand-mère n’était pas militante, elle était juste une femme de son temps. En tant qu’artiste, féministe et femme d’aujourd’hui, c’est à l’endroit de l’intime que je questionne le politique. Dans la peau d’une autre, je mets mon corps à l’épreuve, je me confronte aux limites de la norme, à la représentation culturelle et sociale des femmes à travers l’histoire récente. L’habit me comprime, le tissu risque de se déchirer, parfois il forme autour de moi une enveloppe trop grande. Le vêtement, carcan physique et symbolique, contraint le corps et échoue à s’ajuster à toutes les femmes que je suis à la fois. Je porte ces robes pour la dernière fois, accompagnant le souvenir de ma grand-mère par le poids sensible laissé par ses vêtements sur mes épaules. »

CAROLINE ABLAIN (Remerciements au Studio Ludivine Viguié à Rennes)