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Histoire & Patrimoine
#11
Quand on payait son pain « à la coche »
RÉSUMÉ > Fendue en deux sur sa longueur, cette baguette de noisetier a pour vocation de tenir le compte de pain acheté à crédit chez un boulanger. Une partie restait chez le client, une autre chez le commerçant ; souvent un peu plus longue, elle portait le nom du client sur la surface de bois supplémentaire, l’ensemble étant suspendu avec d’autres dans la boutique.

     Lors d’un achat de pain, les deux parties étaient mises en contact, on faisait une encoche commune aux deux morceaux et on les séparait à nouveau, chacun conservant son témoin. Le client s’acquittait au mois ou à la quinzaine au moment de la paie. Pour peu que chaque achat ait été de même nature – un pain de trois livres ne donne pas lieu aux mêmes encoches qu’un pain de six livres – c’est le compte des encoches, approuvé par les deux personnes au vu de leur nombre égal sur les deux parties, qui fait foi. Et consacre un paiement à tempérament ; on dit souvent « payer à la coche ».

     Cet instrument du paiement différé, attesté à Rennes comme en campagne offrait un confort indiscutable au commerce alimentaire traditionnel. Il se rattache aux codes de confiance qui ont longtemps prévalus dans les sociétés régionales du 19e siècle et du début du 20e siècle. Il appartient à des séries rares et peu connues de signes de reconnaissances matérialisés par des fragments d’objets dont la réunion donne sens. Il est à l’image des tuiles fractionnées en deux dont un élément est conservé par un cultivateur concerné par un bornage de champ, l’autre placé sous une borne à la lisière de la parcelle, ou les billets d’abandon d’enfants glissés pour moitié dans le lange du nourrisson confié aux hôpitaux, l’autre conservé par la mère, ce qui permettra ultérieurement de la reconnaître lorsqu’elle pourra reprendre l’enfant initialement abandonné.
     L’exposition que sous le titre Les Bretons et l’argent le musée de Bretagne consacre de mai à novembre 2011 aux relations que les sociétés traditionnelles et contemporaines entretiennent avec l’argent, est construite autour d’objets de cette nature.

     Cette exposition montre que les ressorts cachés de l’économie ne sont pas dissociables des autres aspects de la vie sociale ou culturelle et que les questions d’argent ne peuvent se réduire à des calculs d’intérêt mercantile ou financier. C’est ce que suggère de longue date l’anthropologie, et Marcel Mauss en particulier, qui ont inspiré ce travail. Une tabatière, une coche à pain, un livret d’épargne scolaire, une armoire, des broderies de gilet, des affiches contemporaines pour le denier du culte, un film d’archives montrant un acheteur de cheveux, un manteau de cheminée sur laquelle un marchand se représente, un poteau d’octroi, des treizains de mariage…. Tous ont, à leur manière, quelque chose à nous dire du rapport des Bretons à l’argent.

L’exposition Les Bretons et l’argent se tiendra du 10 mai au 30 octobre au musée de Bretagne, aux Champs Libres, cours des Alliés à Rennes. Ouverture le mardi de 12 h à 21 h (nocturne), les mercredis, jeudis et vendredis de 12 h à 19 h, le samedi et le dimanche de 14 h à 19 h. Entrée plein tarif pour une exposition : 4 €. Pass expo, tarifs de groupe, abonnements…