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Contributions
#26
RÉSUMÉ > Notre rubrique de flânerie subjective se poursuit au fil des rues. L’oeil exercé de Gilles Cervera capte des détails surprenants et poétiques au détour des murs, des places et des carrefours. Il traque la petite bête, et trouve des fragments d’images qui éclairent la ville d’un jour inattendu.

     Est-ce un effet du réchauffement climatique et particulièrement des nuits chaudes à Rennes ? Ou est-ce parce que l’hiver fut long que l’animal à la température la plus basse – 32 degrés centigrades – est ainsi apparu ? Une multitude de tamanoirs ont longé les murs, leurs formes se sont agrippées ici ou là, mangeant le peu d’herbe au bas du mur de l’Hôtel-Dieu ou rêvant de vélo près des piles de livres de François Le Corre, libraire-bouquiniste en sa rue Hoche. Son fabuleux bonnet tricoté bientôt nous saluera, car la boutique va baisser pavillon. Amoureux des livres, saluons-le !

     Certains poissons ont l’air affable. D’autres moins. Certains se présentent avec force nageoires, d’autres piquent et qui voudrait les attraper aurait à s’harnacher. Dans les chantiers permanents, parmi des friches interlopes, les poissons se peignent, et avec des écailles ! L’origine de l’homme est à chercher dans ces eaux-là. Après tout, Lascaux avait de ses parois peintes et la ville est une grotte démultipliée! Ici, boulevard Voltaire.

     Lascaux, Grotte Chauvet ou Rennes ! En tout cas il reste du darwinien dans le destin urbain. Les rues, les ruelles, les carrefours et les places racontent cette histoire de l’homo urbanus, catégorie mammifère. Foules enjouées, foules concentrées (voir Traviata), foules en colère, foules chalandes. La rue Le Bastard, le samedi est noire de monde. Vue du Palais du Commerce, on cherche les banderoles, point : la manif est commerciale ! Les slogans sont des marques, portés au bas des bras des gens. L’homo economicus en pleine dépossession de ses moyens ! La petite frise remontée du singe ne dit rien d’autre que cette horde moderne qui, en file et en foule, monte et descend la rue, les sacs de courses à la main et le code barre pour destin !

     Sous sa tête à capuche, quelque Breton ici nommé vient, bien après Gauguin, nous regarder ! Est-ce l’école de Pont-Aven qui encimaise les murs ? Ouvrons l’oeil boulevard Villebois-Mareuil. Regardons dans les friches de la ville ou ses chantiers en sursis. Il faut un peu se dépêcher car peu après, pfuitt, l’oeuvre est effacée ou recouverte. L’oeuvre et le mur sont en sursis. Ni plus ni moins que tout dans la ville !

     Une foule se lève et se retourne. La place de la Mairie, remplie à ras, acclame au balcon de l’Opéra un chef d’orchestre, Antony Hermus, une diva, Myrto Papatanasiu, quelques ténors, barytons et soprano. Mardi 4 juin 2013. On s’attendrait presque à une ola, à naître de ce frisson de cette foule bigarrée, concentrée, enjouée de jeunes et de beaucoup moins jeunes. Verdi les a emportés sur son fond d’écran romantique à souhait ! Désuet et enchanteur ! Vive l’impôt rennais….

     Quartier Bourg-l’Évêque, sur fond d’Horizons, la boîte où se glissent, selon l’indication, les lettres d’amour ! On a l’habitude de cette fente pour le proche, cette autre pour le lointain. Ici, les deux pour aimer ! Ah, si ce rêve n’en était pas un. Reste à Rennes cette boîte spécialisée. Postons-nous à cet horizon et que s’y postent les mots doux !

Nous ne dénoncerons personne ! Mais, tous les matins, il y a une dame qui conduit en vélo son bambin chéri à l’école, rien que d’ordinaire ! Il est arrimé, il a son casque coloré. Parfois, elle y va à pied et l’enfant patine sur sa trottinette ! Respect, respect. Et aux feux, quand elle y va, à l’école chérie, conduire le bambino d’amour, parcours d’éducation oblige, elle stoppe net au feu parce qu’il est rouge et file dès que le pictogramme reverdit. Au retour, le bambin déposé, porte bagage allégé, elle se le fait en diagonale, le carrefour ! Les feux, les couleurs, vert ou rouge, à la corbeille ! Oublié, le bon vieux code ! Et parfois, au retour toujours, elle franchit le carrefour, flèche filant sur la trottinette de l’enfant ! Ne le répétons pas !