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Initiatives urbaines
#04
RÉSUMÉ > Parties en ordre dispersé à l’assaut du plan Campus, les universités de Rennes et de Nantes feront-elles partie des dix pôles universitaires d’excellence que l’État entend créer dans le cadre du « grand emprunt » ? C’est le premier défi jeté aux deux villes depuis qu’elles ont scellé leur alliance à l’automne dernier.

     Daniel Delaveau, le président de Rennes-Métropole, et Jean-Marc Ayrault, son alter ego nantais, ne s’attendaient sans doute pas à ce que l’alliance scellée entre leurs deux villes à l’automne dernier soit mise à l’épreuve aussi rapidement.

     Il n’aura pas fallu deux mois après le colloque fondateur d’octobre 2009, pour que l’État ne revienne titiller les deux villes sur un terrain où précisément elles avaient pris la mesure de leur faiblesse : l’enseignement supérieur et la recherche. Le gouvernement a en effet décidé en décembre de faire émerger dix pôles universitaires d’excellence sur le territoire en les dotant d’importants fonds propres (8 milliards d’euros) dans le cadre du « grand emprunt » qu’il doit contracter cette année.

     Parties en ordre dispersé à l’assaut du « plan campus » lors du précédent appel à projets hexagonal, les universités de l’Ouest avaient été les grandes perdantes de la sélection nationale. Rennes et Nantes, associées dans certaines spécialités à Brest ou Angers, espèrent bien cette fois figurer au palmarès et faire partie de la short list des universités françaises ayant vocation, dans leur domaine d’excellence, à « rivaliser avec les meilleures universités mondiales » selon les propres termes du président de la République.  

     Les Régions Bretagne et Pays de la Loire se sont associées début février à la démarche. « Les délais sont courts. Il faut que l’on s’active très vite. Les appels à projets devraient être connus rapidement », commente Daniel Delaveau. Pour le maire de Rennes, chacune des universités dispose d’atouts suffisamment marqués pour que les projets présentés dans le cadre des « campus d’excellence » soient complémentaires : « Rennes est leader en maths, physique et chimie, et bien placée dans le secteur des images et réseaux. Nantes est incontestablement en pointe dans le domaine coopédes biotechnologies et de la santé. Mais on peut également imaginer un projet conduit par Brest autour de la mer. »
     Patrick Rimbert, le premier adjoint au maire de Nantes, ne dit pas autre chose lorsqu’il évoque « la nécessaire coordination des équipes pour répondre aux appels à projets du grand emprunt. » Les deux élus n’en perdent pas de vue, pour autant, l’idée de créer à moyen terme un équipement commun d’enseignement supérieur artistique consacré au théâtre et à la musique.
     «Nous avons défini cinq axes de travail », ajoute Patrick Rimbert, « l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation est le premier, et nous le considérons comme prioritaire, mais nous travaillons également sur le tourisme, la culture, l’attractivité internationale et l’accessibilité. » Ce dernier point fait aussi l’objet d’une attention particulière des deux métropoles, en raison du sérieux handicap que représente l’absence de liaison ferroviaire digne de ce nom entre les villes. Là, les échéances sont beaucoup plus lointaines, mais l’enjeu est d’une telle importance que le lobbying a déjà commencé auprès de l’État pour obtenir l’inscription d’une liaison à grande vitesse, via Notre-Dame-des-Landes, au schéma national des infrastructures de transport, ce qui n’est pas encore le cas.
     « C’est un enjeu fondamental », commente Daniel Delaveau « qui est déjà pris en compte dans le cadre des contrats de projets entre les deux régions et l’État. Des études sont déjà engagées par Réseau ferré de France ». En bon politique, soucieux de ne froisser personne, le président de Rennes Métropole ne manque pas d’ajouter que cette liaison s’inscrit dans la complémentarité de la liaison à grande vitesse qui doit desservir la Bretagne Sud, en direction de Vannes, Lorient et Quimper.
     Sur les autres chapitres, des groupes de travail issus des deux métropoles devaient également plancher au début l’année pour faire avancer les dossiers avant la prochaine réunion de la Conférence permanente qui doit désormais se tenir chaque année, à l’image ce qui s’est fait en octobre 2009. « On ne peut pas travailler ensemble si on ne se connaît pas », commente Thierry Violland, le patron de l’Auran, l’agence d’urbanisme nantaise, qui a déjà quelques longueurs d’avance dans sa coopération avec l’Audiar, son homologue rennaise, depuis leur réponse commune, en 2004, à un appel à projets de la Datar. « Cette coopération n’est pas un coup. Elle s’inscrit dans un travail à long terme. Le colloque a été un moment de visibilité, mais nous sommes dans une démarche de dialogue permanent et continu. »
     Exemple de dialogue, dans un autre registre, celui de la culture: les opéras des deux villes – des trois villes devraiton dire puisque Nantes et Angers ne forment déjà plus qu’une seule entité – ont commencé à travailler ensemble. « J’ai assisté à la fin de l’année à une représentation de La Périchole à Rennes, avec les choeurs de l’opéra de Nantes », témoigne Daniel Delaveau « preuve que les coproductions peuvent et doivent se développer. »

Une seule voix dans le réseau Eurocities

     Côté tourisme, on se montre, dans les couloirs, un peu plus sceptiques sur les réelles possibilités de coopération. Encore que l’idée toute simple d’encourager les Nantais à découvrir Rennes et les Rennais à se familiariser avec Nantes, séduise les uns et les autres. L’expérience d’Estuaire, qui a incité nombre de Nantais de faire le chemin de Saint-Nazaire y est sans doute pour quelque chose. « Nous envisageons une campagne de promotion coordonnée à l’automne 2010 », précise Patrick Rimbert « qui pourrait s’appuyer sur un produit commun: hôtel, train, transport public. » Dans le domaine du tourisme d’affaires le vice-président de Nantes Métropole évoque également la possibilité d’organiser des manifestations alternativement dans les deux villes, à l’image d’un salon de la création « même s’il convient de penser au bilan carbone d’un congressiste », ajoute-t-il, en souriant.
     Reste enfin l’attractivité internationale. Deux chantiers sont ouverts sur cet axe, celui des réseaux européens, comme Eurocities, où les deux villes vont engager une réflexion pour « parler d’une seule voix » et celui du lobbying à Bruxelles. « Il existe un espace interrégional à Bruxelles pour les régions Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Il est sous-utilisé », ajoute Patrick Rimbert. Les deux métropoles vont donc réfléchir à la possibilité d’une représentation permanente en collaboration avec les régions.
     En marge et en complément de ces premiers travaux, conduits par les élus et les techniciens, les Conseils de développement des deux agglomérations devaient se retrouver au début de l’année pour réfléchir ensemble à un certain nombre de propositions communes. Une première copie devrait être prête au printemps. La coopération entre les deux villes semble donc bien lancée en ce début 2010, même s’il peut être judicieux d’observer que ce volontarisme politique s’exprime dans un contexte d’effervescence électorale, à l’approche des Régionales. Rennes et Nantes, en bonnes capitales, tiennent d’évidence à montrer qu’elles occupent le terrain, et que leur rôle reste déterminant pour l’avenir des territoires.