PLACE PUBLIQUE > Paul Kerdraon, en tant que maire de Pacé, êtes-vous favorable à l’intercommunalité ?

PAUL KERDRAON > Oui, bien sûr. L’intercommunalité est un acquis incontournable. Dès l’origine, Pacé a été pour l’intercommunalité. En 1970, le maire, le docteur René Léon , fut, avec le maire de Rennes, Henri Fréville, l’un des artisans de la création du district dont il devint viceprésident. Ce qui fait qu’Edmond Hervé, président de Rennes Métropole jusqu’en 2008, a suggéré que l’une des salles de l’hôtel de la métropole porte son nom.   

PLACE PUBLIQUE > L’instauration de l’intercommunalité rennaise était donc un souhait de Pacé ?

PAUL KERDRAON >
Pacé a toujours été pour le principe de l’intercommunalité. Bien sûr, il y a eu des moments de conflit et de discussion. Par exemple, nous ne sommes rentrés qu’au début des années 90 dans le dispositif de transport public de l’agglomération. Pacé a toujours eu une attitude positive vis-à-vis du district d’abord puis de la communauté d’agglomération. Mais en même temps, nous avons toujours voulu maintenir l’identité de la commune.

PLACE PUBLIQUE > Comment cela se passe-t-il ? Avez-vous le sentiment que les relations entre la métropole et les communes membres sont suffisamment équilibrées ?

PAUL KERDRAON >
Globalement oui. Enfin, ça dépend des interlocuteurs. À Pacé, on trouverait des gens pour dire que la commune se laisse avaler par Rennes Métropole. Ce n’est pas mon avis, et pour cause : depuis le début de mon mandat de maire en 2002 et même avant, depuis 1995, comme premier-adjoint, je siège à la métropole. Je pense que nos relations sont relativement équilibrées. Je dis relativement parce que l’équilibre est toujours temporaire, évolutif, parfois fragile… On y travaille beaucoup, on est vigilants. Mais je pense qu’on a réussi à trouver un mode de fonctionnement qui n’est pas trop mauvais globalement. Tout le monde le sait : je ne fais pas partie de la majorité politique de Rennes Métropole. Mais je m’attache à faire la part des choses, à travailler d’abord au mieux des intérêts de ma commune qui sont bien évidemment dépendants de nos bonnes relations avec la métropole.

PLACE PUBLIQUE > Concrètement, à quoi pensez-vous ?

PAUL KERDRAON >
Aux services ! Rennes Métropole en assure beaucoup sur le territoire communal et qui sont tout à fait intéressants pour la commune et pour ses administrés. Je pense aux transports publics qu’on améliore régulièrement, à la collecte des déchets…

PLACE PUBLIQUE > Les services les plus importants, ce sont les transports publics ?

PAUL KERDRAON >
N’exagérons rien ! L’adoption du système de transport de la métropole n’a pas fondamentalement bouleversé la commune même si elle a amélioré beaucoup un service considéré comme majeur par la population. C’est très utile, en particulier à tous nos jeunes qui vont faire leurs études à Rennes ou au lycée Jean-Paul II à Saint-Grégoire. C’est clair : c’est l’un des services les plus opérationnels.

PLACE PUBLIQUE > Le programme local de l’habitat a parfois été ressenti comme une contrainte par les communes…

PAUL KERDRAON >
Il a nécessité des discussions, des négociations avec Rennes Métropole. Cela s’est passé correctement et nous avons abouti à un accord équilibré. C’était nécessaire parce que notre principal projet de construction, la Zac de Beausoleil (1 600 logements sur une dizaine d’années), avait été lancé en 2003. 500 logements étaient construits au moment de la mise en place du PLH en 2005 et il a fallu discuter avec Rennes Métropole pour que les différentes obligations du programme ne s’appliquent qu’aux tranches restant à bâtir. C’est un exemple de ce qu’on peut faire. Mais il y faut quand même une vigilance de tous les instants.

PLACE PUBLIQUE > Parce que vous sentez de la part de la métropole une volonté de passer en force ?

PAUL KERDRAON >
C’est la tendance naturelle des gens, élus ou administratifs. Quand ils ont des compétences, ils les exercent le plus largement possible, c’est normal. Mais je suis quelque fois surpris. Il y a quelque temps, un cadre de Rennes Métropole voulait me rencontrer. Mon assistante a eu toutes les peines du monde à convaincre que le rendez-vous devait avoir lieu ici, à la mairie, et non pas à Rennes Métropole. De la même façon, dans les mois qui ont suivi son élection, Daniel Delaveau a organisé des entretiens en tête à tête avec les maires et je me suis étonné auprès de lui que ces rendez-vous aient lieu à Rennes Métropole. C’était plus pratique pour lui. Mais en même temps, Rennes Métropole est une communauté de communes. Il l’a tellement bien compris que quelques mois après, il est venu visiter Pacé. C’est la nature des choses : quand on a des compétences, on les exerce sans état d’âme le plus largement possible.

PLACE PUBLIQUE > Les possibilités de conflit dépassent-elles ces petits désagréments ?

PAUL KERDRAON >
J’ai cité les discussions sur le PLH. Elles auraient pu ne pas aboutir…

PLACE PUBLIQUE > Qui a mis le plus d’eau dans son vin ?

PAUL KERDRAON >
Je crois que les discussions ont été équilibrées entre Maurice Lelièvre, le vice-président de la métropole chargé de l’habitat à ce moment-là, et nous. On a eu plusieurs mises au point, plusieurs réunions de calage…

PLACE PUBLIQUE > Vous n’avez donc pas l’impression de ne pas exercer pleinement vos fonctions de maire ?

PAUL KERDRAON >
Par définition, tout travail intercommunal nécessite sinon des abandons, du moins des altérations partielles de pouvoir. Je n’ai pas la responsabilité directe de la gestion des transports publics, de la gestion de la collecte des déchets, je n’ai même pas la responsabilité de la gestion directe de la déchèterie que nous avions aménagée à Pacé. Ce sont des choses qu’il faut accepter, sinon il ne faut pas s’engager dans l’intercommunalité. Et l’intercommunalité, c’est indispensable ! Un autre exemple très éclairant, signe d’une collaboration très étroite entre Rennes Métropole et nous : la création et la mise en oeuvre de ce qu’on appelle le pôle d’activités Rive Ouest (Zac des Touches). C’est une zone d’activité communautaire que Pacé a demandé à Rennes Métropole de prendre en charge au moment de sa création. Ce projet n’était pas à notre portée ni technique, ni financière, d’autant qu’il rayonne bien au-delà de la commune. Nous avons été très volontaires dans cette démarche- là. Depuis, nous travaillons à la mise en oeuvre de cette Zac avec des comités de pilotage qui réunissent régulièrement Rennes Métropole, la société d’économie mixte Territoires et la commune de Pacé. Nous sommes directement impliqués dans toutes les décisions. Ce qui veut dire qu’il faut être présent et pas seulement physiquement. Il faut proposer, avoir des idées, savoir débattre. Il faut parfois mettre de l’huile dans les rouages, ce n’est pas toujours harmonieux, c’est normal, c’est la vie !

PLACE PUBLIQUE > Vous aviez pourtant réalisé vous-même une zone de développement économique, la Zac de la Teillais. Vous aviez déjà de l’expérience, non ?

PAUL KERDRAON >
Je ne suis pas sûr qu’on aurait été capable de la rééditer. Cette fois, la puissance de feu de Rennes Métropole nous était indispensable : pensez aux moyens financiers nécessaires, par exemple pour aménager les axes routiers autour et à l’intérieur de la Zac ; on aurait été totalement incapable de les assumer. Même si y on a pris notre part – c’est un des rares exemples d’ailleurs où une commune participe financièrement à une zone d’activité de compétence communautaire. On s’est mis d’accord là-dessus aussi.

PLACE PUBLIQUE > Parce que, habituellement, il n’y a pas de participation communale ?

PAUL KERDRAON >
Normalement non. C’est pourquoi cet accord est original. On a calculé la participation respective de la métropole et de la commune en fonction de ce que la première retirerait de la taxe professionnelle et Pacé de la taxe sur le foncier bâti. On a fait des simulations. Chacun contribue sur cette base-là.

PLACE PUBLIQUE > Dans les grandes dates de l’intercommunalité rennaise, on cite souvent l’instauration de la taxe professionnelle unique. Comment les communes ont-elles vécu cela ?

PAUL KERDRAON >
L’instauration en 1993 de la taxe professionnelle unique a été un événement très important. En l’occurrence, Pacé y a plutôt gagné. Les entreprises y étaient peu nombreuses et nous avons bien bénéficié de la dotation de solidarité. Et c’est là l’origine d’un désaccord avec Rennes Métropole. Je m’explique : les intercommunalités qui percevaient la taxe professionnelle unique pouvaient aussi percevoir un supplément de taxe d’habitation et de taxe foncière, une fiscalité additionnelle payée par les ménages. Rennes Métropole a profité de ce droit depuis 2006. A mon avis, ce n’était ni urgent, ni même nécessaire. Les comptes de 2009 le montrent de manière éclatante : nous avons perçu 15 millions de taxe professionnelle de plus que les prévisions. Ce qui fait que la métropole se trouve dans une situation financière très saine : son endettement pourrait être résorbé en un an, alors que la moyenne des communes mettrait plutôt dix ans. Peut-être a-t-elle voulu anticiper et assainir au maximum le budget de transports publics avant la construction de la deuxième ligne de métro. Mais on a l’impression que la métropole vit aujourd’hui dans une relative aisance et les communes un peu moins. Ça, c’est un point de divergence de fond. C’est l’une des raisons pour laquelle je me suis opposé à la fiscalité additionnelle. De plus, elle avait l’inconvénient majeur de geler la dotation de solidarité communautaire puisqu’on ne pouvait pas à la fois instaurer un impôt supplémentaire sur les ménages et en même temps augmenter la dotation de solidarité communautaire. Compte tenu de nos besoins, j’aurais préféré que la dotation de solidarité continue à évoluer dans des proportions raisonnables et que la métropole et les communes passent un pacte financier. Ça n’a jamais été possible. Je trouve que c’est dommage.

PLACE PUBLIQUE > On parle beaucoup de la taxe professionnelle… Mais elle est supprimée !

PAUL KERDRAON >
Oui, toutes les cartes risquent d’être rebattues et le bouleversement serait encore plus grand si la communauté d’agglomération pouvait adopter demain le statut de métropole. Dans la version de la réforme des collectivités territoriales votée par l’Assemblée nationale, le produit de la taxe sur le foncier bâti serait transféré des communes à la métropole. D’autre part l’on pourrait transférer à la majorité simple des communes toute la dotation globale de fonctionnement à la métropole. Ce n’est pas parce que Dominique Perben l’a proposé et que je suis plutôt de son orientation politique que je suis d’accord. Il restera quoi aux communes comme ressource ? La taxe d’habitation ! Dans ce cas-là, je serai contre l’accession de la communauté d’agglomération au nouveau statut de métropole. Bien sûr, on percevra des redistributions de Rennes Métropole, comme on en a eu pour la taxe professionnelle et la dotation de solidarité, mais on sera tout de même beaucoup plus intégrés qu’aujourd’hui. Ça veut dire qu’on n’aura plus les moyens de décider. Par exemple, le projet de loi prévoit que la voirie communale soit transférée à la Métropole ; je ne pense pas que ce soit une bonne chose, je ne vois pas en quoi ce sera mieux géré. On avait fondé, pour l’aménagement de la zone des Touches, notre participation respective, Métropole et commune, sur le produit de la taxe professionnelle et le produit foncier bâti : eh bien ! si on n’a plus tout le foncier bâti, moi je demande à renégocier. C’est clair.

PLACE PUBLIQUE > Vous êtes contre l’idée que Rennes devienne une métropole ?

PAUL KERDRAON >
Je ne suis pas contre le fait que la communauté d’agglomération adopte le statut de métropole mais à deux conditions. C’est que l’on ait d’abord un bon équilibre entre les compétences intercommunales et communales et donc que les services de proximité restent de compétence communale avec les moyens financiers qui vont avec. D’autre part, qu’on ne se lance pas dans une course effrénée – en essayant de forcer l’avis des communes ou des intercommunalités concernées – pour atteindre à tout prix le fameux seuil des 450 000 habitants ou plus.

PLACE PUBLIQUE > Il semble aussi que les compétences communales en matière d’urbanisme puissent être remises en cause ?

PAUL KERDRAON >
En effet, il n’y aurait plus qu’un plan d’urbanisme intercommunal et les communes n’auraient plus d’autorité en matière d’urbanisme. Bien sûr on pourra trouver des terrains d’entente. Je n’imagine pas qu’une métropole impose à une commune des choix d’urbanisme dont elle ne voudrait pas. L’Assemblée nationale a encore renforcé cet aspect des choses en supprimant le vote pour avis des conseils municipaux. Des compétences d’urbanisme supprimées, des moyens réduits fortement : je considère que l’équilibre n’est plus bon.

PLACE PUBLIQUE > Vous considérez que l’on a atteint une sorte de limite ?

PAUL KERDRAON >
Non, on peut encore faire mieux. Mais aujourd’hui le fonctionnement intercommunal de Rennes Métropole a déjà quasiment atteint le maximum de ses possibilités. Nous nous sommes donné des politiques très contraignantes. Aucune autre communauté urbaine ou d’agglomération en France n’a un PLH aussi ambitieux, aussi codifié, aussi contraignant pour les communes. Nous sommes très en avance. Si l’intercommunalité s’était développée partout en France avec des politiques intégrées aussi fortes, on n’aurait peut-être pas éprouvé la nécessité de modifier les choses.

PLACE PUBLIQUE > Cependant, la modification de la géographie intercommunale va se faire quand même. Des découpages semblent ne plus correspondre aux modes de vie des gens…

PAUL KERDRAON >
C’est possible. Il faut s’y adapter de manière pragmatique. Aujourd’hui, l’influence de Rennes Métropole dépasse largement ses frontières mais si on va jusqu’au bout de cette logique la moitié du département au moins devrait être intégrée à la métropole ! Est-ce que c’est souhaitable ? Que restera-t-il du département ? Cela pose de nombreuses questions ! Certains maires de petites communes considèrent qu’à Rennes Métropole, les décisions leur sont un peu imposées. Ce n’est pas toujours absolument faux. D’ailleurs, un groupe de travail réfléchit au mode de gouvernance de la métropole. C’est un vrai problème. Pacé est une commune assez importante pour que l’on ne se passe pas de son avis. Mais si j’étais maire d’une plus petite commune, mon opinion compterait sans doute beaucoup moins.

PLACE PUBLIQUE > Il y a quarante ans, il y avait combien d’habitants à Pacé ?

PAUL KERDRAON >
Le recensement de 1968 nous donnait 2 338 habitants. Aujourd’hui nous sommes presque 10 000. Pacé est donc une commune « urbaine », avec une part rurale qui reste importante, puisque c’est en superficie la deuxième des 37 communes de la métropole, juste après la ville de Rennes. Sur nos 3 500 ha, nous en avons 3 000 en zone naturelle et agricole avec une quarantaine d’exploitations.

PLACE PUBLIQUE > Votre objectif est-il de garder cet équilibre ?

PAUL KERDRAON >
Oui. On ne deviendra jamais une ville de 50 000 habitants ! L’un des objectifs du Scot est d’ailleurs de contenir l’urbanisation et la consommation d’espace. Entre Rennes et Pacé, nous avons voulu une coupure verte inconstructible de 5 km. C’est une volonté constante, depuis plus de 30 ans, des élus de Pacé et de ceux du district de Rennes (puis de la communauté d’agglomération).

PLACE PUBLIQUE > C’est un sanctuaire ?

PAUL KERDRAON >
Oui. La limite de l’urbanisation passe derrière le pôle Rive Ouest. C’est une grande chance de conserver des terrains agricoles, des espaces naturels, des chemins de randonnée que l’on continue à développer. Ce cadre de vie est attractif.

PLACE PUBLIQUE > Il y a encore quelques grands équipements à venir à Pacé dans les années ?

PAUL KERDRAON >
On attend de savoir à quelle sauce la réforme des collectivités territoriales va nous accommoder. On a des besoins importants qu’on ne sera pas capables de réaliser complètement, en équipements sportifs et culturels notamment. L’autre grand projet, lui aussi suspendu aux décisions qui vont être prises, est un projet de piscine sur lequel travaillent huit communes réunies au sein du Syrenor ainsi que les villes de Saint-Grégoire et de Betton. Dans le secteur, c’est le grand équipement qui manque. L’agglomération souffre d’ailleurs d’un manque cruel de piscines : on parle d’un déficit de 3 500 à 4 000 m2 de bassins. C’est un projet qui ne peut se mettre en place que si nous disposons de moyens. Peut-être, ce sera de la compétence de Rennes Métropole demain mais pour l’instant, ça ne l’est pas.

PLACE PUBLIQUE > Où se réaliserait ce projet de piscine ?

PAUL KERDRAON >
On a déjà décidé que ce serait à Montgermont. On peut être amené à mettre en route le processus en fin d’année ou en début 2011, mais il faudra trois ou quatre ans avant d’ouvrir.

PLACE PUBLIQUE > Au final, le maire de Pacé est-il un viceprésident heureux de Rennes Métropole ?

PAUL KERDRAON >
Dans toute intercommunalité, les maires doivent partager les compétences, c’est évident. Il faut composer en permanence. L’un des points de divergence fondamentaux, c’est la fiscalité. En matière de transports, Pacé apprécie la première ligne du métro. Mais je ne suis pas sûr que l’agglomération ait les moyens et fasse les meilleurs choix possibles. Avec d’autres moyens, on aurait peut-être pu mieux irriguer, au moins en partie, l’ensemble du territoire métropolitain. Je ne suis pas d’accord non plus avec le choix du site du couvent des Jacobins pour accueillir le futur centre des congrès, même si j’ai approuvé à, 100% le choix de l’architecte : c’est un très beau projet, qui allie de manière harmonieuse l’ancien et le neuf, qui met en valeur le site patrimonial du couvent. Mais je considère que c’est un site trop contraint en termes d’accessibilité. C’est une analyse personnelle que je fonde en partie sur mon expérience professionnelle. Il y a quand même de temps en temps des sujets de controverse, de polémiques ou de divergences, qui dépassent d’ailleurs souvent les clivages politiques.