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Dossier
#39
Les promoteurs misent sur le haut de gamme
RÉSUMÉ > Le futur quartier EuroRennes abritera plusieurs immeubles de bureaux qui misent résolument sur le haut de gamme. 13 500 m2 sur l’ancien site de la Poste au pont de l’Alma, près de 20 000 m2 sur l’îlot Féval, 5 900 m2 boulevard Solférino… Le marché immobilier rennais est-il prêt à absorber cette nouvelle offre ? Où en est le projet de la tour Signal, qui tarde à se concrétiser ? Le point sur les différents chantiers en cours.

     C’est la question qui fâche : les futurs immeubles de bureaux d’EuroRennes vont-ils tous trouver preneur dans un contexte économique incertain ? D’autant que les promoteurs immobiliers ont décidé de frapper fort. Les programmes annoncés misent clairement sur le haut de gamme, avec des loyers locatifs supérieurs à 200 euros le mètre carré. Soit un niveau nettement plus élevé que la moyenne observée jusqu’ici dans la capitale bretonne, où les loyers tournent davantage autour de 145 euros/ m2 /an. Alors que les professionnels reconnaissent qu’il existe un stock de plus de 100 000 m2 de bureaux disponibles dans l’agglomération rennaise, cette nouvelle offre pourrait déséquilibrer encore un peu plus le marché, s’alarment certains observateurs. Deux ans avant la livraison des premiers programmes neufs d’EuroRennes, il est évidemment difficile d’en mesurer précisément l’impact. Les promoteurs interrogés, eux, se montrent plutôt confiants. « Ce sont clairement les loyers les plus chers du marché rennais. Mais la localisation exceptionnelle d’EuroRennes est incontestable : ici, la gare est encore plus en cœur de ville que celle de Nantes. C’est un hub central de connexion avec des pôles d’attractivités commerciaux, une véritable centralité », souligne Xavier Hébert, directeur général du groupe Giboire.  

     Le promoteur rennais est à la manœuvre sur deux programmes emblématiques : l’îlot Féval et Eurosquare. Le premier, situé à la sortie sud de la gare, sera construit sur le parking en cours de réalisation. Il accueillera les trois immeubles du programme Identity, dont l’un abritera les cinq salles du cinéma d’Art et Essai. Le second, boulevard Solférino, sera un ensemble mixte constitué de bureaux sur les cinq premiers niveaux et de logements dans les étages supérieurs. Le tout, dans les deux cas, à quelques minutes à pied d’un siège de TGV ou de TER, d’une station de métro ou d’une ligne de cars. Autant d’atouts qui justifient le positionnement « premium » des réalisations annoncées. « Nous nous adressons aux entreprises qui recherchent une adresse et une connectivité. il faut arrêter de fantasmer sur les grandes délocalisations en provenance de Paris, mais je ne suis pas inquiet sur la commercialisation des bureaux de la gare », poursuit Xavier Hébert. Pour ce professionnel, la proximité des transports collectifs joue toujours favorablement sur la demande de bureaux. « Nous constatons clairement sur le marché nantais un essoufflement du marché des bureaux mal connectés aux transports publics. Ceux qui sont situés le long du tramway sont désormais les plus côtés. L’accès routier ne suffit plus. À Rennes, c’est également le cas : on le voit bien pour la zone de bureaux de Saint-Grégoire, par exemple. En revanche, la Courrouze, après un démarrage difficile, devrait trouver sa place grâce à la deuxième ligne de métro, tout comme les Champs blancs et Via silva, à l’autre extrémité de la ligne », analyse le directeur général de Giboire.

     Un avis partagé par Dominique Feuvrier, le directeur régional du promoteur Icade. Cette filiale de la Caisse des dépôts assure la co-promotion du programme Urban Quartz, près du pont de l’Alma, aux côtés d’une filiale de la Poste, Postimmo, car le terrain était jusqu’ici occupé par une activité postale. Cet ensemble de trois immeubles futuristes, conçus par les cabinets d’architectes Hamonic + Masson et a/LTA, vient d’être cédé en novembre 2015 en VEFA (vente en état futur d’achèvement) à l’investisseur Perial Asset Management, pour près de 42 millions d’euros. Les quelque 13 690 m2 de bureaux vont ainsi être proposés à la location, avec des surfaces commercialisées à partir de 300 m2 . « Des contacts intéressants ont été établis avec plusieurs sociétés par la société qui commercialise le programme, Tourny Meyer, mais rien n’est encore signé. Les immeubles d’Urban Quartz seront reliés par des passerelles à trois niveaux, ce qui permet de proposer des plateaux de 1 000 m2 sur un seul étage », explique Dominique Feuvrier.

     Après une phase de déconstruction des anciens locaux occupés par la Poste, la construction devrait démarrer dans quelques semaines, pour une livraison prévue des deux premiers immeubles à l’automne 2017. Pour des raisons de phasage de travaux sur cette parcelle triangulaire très contrainte, le troisième immeuble sera livré quelques mois plus tard, début 2018. « Il s’agira du premier programme 100 % tertiaire d’EuroRennes, qui sera prêt pour l’arrivée de la LGV », souligne le directeur régional d’Icade, qui estime que la totalité de l’offre devrait avoir trouvé preneur avant la livraison.    

     Lui non plus ne craint pas une déstabilisation du marché rennais : « EuroRennes ne vient pas en concurrence d’une offre existante, mais en complément : il n’y a pas d’offre tertiaire de centre-ville aux normes de construction actuelles, notamment sur le plan énergétique. Urban Quartz proposera du plancher technique, des éclairages Led… », énumère-t-il.

     Toutefois, la prudence paraît de mise : pour l’instant, hormis les programmes de l’îlot Féval (Identity 3), celui du pont de l’Alma (Urban Quartz) et l’immeuble Eurosquare boulevard de Solférino, proposant à la fois des bureaux et des logements, aucun autre projet d’envergure n’est sorti des cartons. Mais si l’on additionne les mètres carrés de bureaux ainsi annoncés dans le périmètre d’EuroRennes avec ces trois programmes, on frôle déjà la barre des 40 000 m2 disponibles entre fin 2017 et début 2019. En ce qui concerne l’îlot Féval, le promoteur Giboire s’est engagé à réaliser simultanément les trois immeubles du programme Identity, mais un phasage n’est pas exclu en cas de commercialisation plus longue que prévu.  

     Un autre sujet focalise l’attention : l’avenir très hypothétique de la fameuse « tour signal » censée surplomber EuroRennes de sa majesté contemporaine. Alors que le principe de cette tour était retenu dans les premières présentations, elle n’est plus officiellement à l’ordre du jour. Du moins, « d’ici à la fin du mandat municipal en cours », c’est-à-dire avant 2019. La réserve foncière permettant son ancrage dans l’îlot Féval existe toujours, mais jusqu’à quand, et pour quelle réalisation ? Le flou demeure à ce sujet. D’autant que la construction d’un immeuble de grande hauteur (IGH) de bureaux engendre des coûts d’exploitation très importants en raison de la réglementation qui impose des normes de sécurité draconiennes. « Je ne crois pas à la possibilité de faire un IGH de bureaux dans le contexte économique actuel du marché de bureau dans une métropole régionale comme Rennes », confie Xavier Hébert, chez Giboire, ajoutant aussitôt que « dans dix ou vingt ans, le marché le permettra peut-être ». Mais tous les exemples montrent que ces projets ambitieux aboutissent rarement sans une volonté publique forte. C’est le cas à Lyon, où la tour Incity (39 étages, 202 mètres de haut, flèche comprise) qui vient d’être livrée à la Part-Dieu accueille la direction du TER de la SNCF. Dans le cas rennais, la tour, si elle voyait le jour, aurait des proportions beaucoup plus modestes : sa hauteur serait de toute façon limitée à 88 mètres (soit environ 25 étages) pour des questions de servitude aérienne liées à l’aéroport de Saint Jacques, soit un peu moins que les Horizons et l’Éperon, qui eux, sont des immeubles d’habitation. Selon nos informations, des discussions approfondies ont eu lieu au dernier trimestre 2015 entre le promoteur Giboire et les élus rennais pour arrêter une décision sur le devenir de l’emprise foncière de la « tour signal ». Le terrain pourrait être « gelé » dans l’attente d’une conjoncture économique plus favorable qui permettrait sa construction. À moins que le projet n’évolue, avec une orientation différente (programme mixte, de logements et bureaux, abandon de la hauteur, nouvelles formes architecturales…), pour permettre d’achever la réalisation de cette partie d’EuroRennes. Verdict, en principe, fin janvier ou début février 2016.