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Histoire & Patrimoine
#26
Le palais Saint-Georges après l’incendie du 5 août 1921
RÉSUMÉ > Découvrir la vie des Rennais à travers une photographie d’archive. C’est l’objectif de cette rubrique proposée depuis mai 2012 par l’historien David Bensoussan. Pour cette dixième édition, il nous invite à revenir contempler les ruines encore fumantes du Palais Saint-Georges, au lendemain du sinistre du 5 août 1921. Un épisode aujourd’hui oublié, mais dont il est intéressant de se souvenir alors que le Palais s’apprête à connaître une nouvelle destination, avec sa transformation programmée en hôtel de luxe.

     Ancienne abbaye bénédictine devenue caserne à la Révolution, le palais Saint-Georges est l’objet d’un terrible incendie, dans la nuit du 5 au 6 août 1921, qui, en quelques heures, détruit l’essentiel du bâtiment dont ne reste plus alors que la façade. C’est ce spectacle douloureux que donne à voir cette photographie et qu’une foule de badauds vient alors contempler.
    Quoique très lourdement endommagé, le bâtiment s’affirme encore dans son imposante monumentalité horizontale. Sa majestueuse façade, rythmée de dixneuf arcades et de vingt-trois fenêtres, sur deux étages, a, en effet, survécu à l’incendie. Au sommet, l’entière destruction de la toiture fait émerger de manière singulière une série de lucarnes, couronnées de frontons alternativement triangulaires et circulaires. Au centre, le grand fronton classique laisse encore apercevoir sa riche décoration, notamment, en son coeur, le blason coupé de la France et de la Bretagne. Les puissantes cheminées, toujours présentes, viennent, de leur côté, rappeler l’importante verticalité originelle de l’édifice. Sur cette façade noircie par le feu, on distingue encore nettement, au-dessus des piliers de chaque arcade, les lettres en fer qui composent le nom de Magdelaine de La Fayette, du nom de l’abbesse qui, en 1670, avait fait achever le bâtiment par l’architecte Pierre Corbineau. L’enceinte de la caserne, constituée de nombreux pavillons dont l’un sert de coopérative, rappelle la vocation militaire de cette construction qui, pendant la guerre, avait reçu de nombreux poilus puis avait servi de centre de démobilisation et de concentration pour les prisonniers de guerre rapatriés d’Allemagne.
    La place qu’occupe le palais Saint-Georges dans l’univers urbain rennais tout comme les circonstances de sa destruction partielle explique l’afflux des badauds contenus par une rangée de soldats qui barrent tout accès à la caserne ainsi qu’à la rue Gambetta, alors étrangement vide, sûrement bloquée par sécurité. C’est sans doute ce qui explique l’absence de toute automobile à l’exception d’un camion, à droite, qui peine à se frayer son chemin dans la foule. Par contraste, les vélos sont nombreux, moyens de locomotion très usités à l’époque, tandis qu’au centre de la photographie, une sorte de cabriolet hippomobile, conduit par un seul cheval, s’avance d’un pas tranquille. Sous le véhicule, on distingue très clairement le panier destiné à recueillir les déjections de l’animal. La scène se passe en plein été comme l’indiquent les hommes nombreux à porter un canotier. La chaleur estivale se remarque aussi par la présence, à gauche, d’une femme, dont on ne distingue que la silhouette, qui tient une ombrelle sombre, tandis qu’à droite, une femme poussant un vélo, tout de blanc vêtue, porte un large chapeau et a les bras découverts. Les enfants, en vacances, sont également présents, en nombre, sur la photographie. Alors en piteux état, le palais Saint-Georges va renaître rapidement de ses cendres. L’armée se refusant à le restaurer, la municipalité Janvier l’acquiert, pour y installer une partie des services municipaux, et mène rapidement, entre 1923 et 1925, sa restauration, conjointement à l’édification de la piscine qui porte le même nom. Ce changement d’affectation n’est pas sans conséquence heureuse puisque débarrassé des bâtiments d’enceinte, le palais offre aux promeneurs un jardin étagé à la française qui s’ouvre largement sur la perspective de la gare et lui donne à peu de choses près l’allure qu’il a aujourd’hui.