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Dossier
#27
Le Foyer Saint-Benoît Labre se construit un avenir
RÉSUMÉ > L’association fondée en 1936 pour venir en aide aux plus démunis multiplie les projets d’envergure pour améliorer les conditions d’accueil. Elle vient de poser la première pierre d’une résidence sociale-pension de famille, rue de Fougères. Un bâtiment moderne et fonctionnel pour favoriser le retour à un habitat normal. Mais les actions d’urgence n’en sont pas oubliées pour autant, à l’image du 115, que l’association gère au niveau départemental.

     À l’emplacement du 111, Rue de Fougères, à côté de la superette, le terrain nu n’attend plus que les grues. C’est dans ce quartier cossu que s’élèvera, en 2015, la résidence sociale - pension de famille Daniel Ravier. Portant le nom de l’ancien directeur de l’association Foyer Saint-Benoît Labre, décédé fin 2011, ce bâtiment moderne et fonctionnel comprendra 27 logements destinés aux personnes en difficulté.
    Pour la vénérable institution rennaise d’aide aux plus démunis, fondée en 1936, cette initiative prend valeur de symbole. Elle répond en effet aux besoins d’autonomie des résidents. De la rue, rien ne distinguera la vocation singulière du lieu. Edifiée sur un terrain acquis par la ville de Rennes en 2008, la future résidence a été conçue par les architectes Gilbert Quéré et Christophe Jouan selon les normes de construction les plus récentes. Dans un souci d’économie de fonctionnement, elle affichera un niveau de performance énergétique élevé. Elle offrira ainsi une réponse adaptée à la question délicate de l’hébergement temporaire et de réinsertion sociale. Ce vocable un brin administratif désigne une forme intermédiaire entre le foyer d’urgence et l’habitat pérenne, avec un accompagnement social des personnes en difficulté.
    La résidence accueillera ainsi un double public. Les 18 logements de la maison relais seront réservés aux personnes identifiées par les services d’action sociale, qui, tout en ne relevant pas ou plus d’un accompagnement lourd, ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour s’assumer seuls dans un logement classique. Les 9 logements de la résidence sociale seront quant à eux occupés par des personnes en difficulté sociale et/ou économique, qui peuvent toutefois accéder à un logement autonome, en bénéficiant de l’appui éventuel d’un travailleur social. Aucune limitation de durée d’occupation ne sera fixée a priori, afin de permettre une meilleure intégration.

     Originalité de ce projet d’un montant de plus de 3,5 millions d’euros, conçu en partenariat avec Archipel Habitat : il a bénéficié d’un financement important des fonds européens Feder (21%), aux côtés de l’Etat (23%), de Rennes Métropole (30%). Thierry Repentin, ministre chargé des affaires européennes et fin connaisseur du logement social, a d’ailleurs qualifié l’initiative rennaise de « sas vers la dignité et la reconstruction de soi-même », lors de la pose de la première pierre, fin octobre 2013.
    C’est en effet l’enjeu principal du dispositif : encourager le retour progressif à l’autonomie des résidents, vers un logement « classique ». La vie collective sera facilitée par l’existence d’espaces communs partagés, notamment pour les repas. De quoi lutter contre l’isolement souvent très mal vécu par les personnes en difficulté, qui accèdent à un appartement traditionnel en ayant perdu leurs repères traditionnels et les solidarités de la rue.
    Le Foyer Saint-Benoît Labre connaît bien les difficultés de ce public qu’elle accompagne depuis plus de 75 ans. La future résidence Daniel Ravier viendra ainsi compléter un dispositif organisé autour d’une triple mission : accueillir, héberger et accompagner les personnes en difficulté, en les aidant à passer progressivement du statut d’hébergé à celui de locataire.

     Ce parcours commence souvent avec l’appel passé au 115, le numéro d’urgence gratuit géré par l’association pour l’Ille-et-Vilaine et qui permet théoriquement d’obtenir une chambre pour la nuit. « L’objectif du 115, c’est vraiment la mise à l’abri. Nous travaillons avec cinq écoutants et il y a toujours quelqu’un au bout du fil », explique Julien Le Dren, responsable des services d’urgences au Foyer Saint-Benoît Labre. Mais les places, elles, ne sont malheureusement pas toutes au rendez-vous. Le service est saturé – il reçoit 48 000 appels par an – et dès le début de la matinée, il est quasiment impossible de trouver une solution d’hébergement pour le soir. Le département ne recense en effet « que » 238 places, dont environ 150 à Rennes, la plupart dans le parc hôtelier de la ville, mais aussi, par exemple, dans le Centre d’hébergement d’urgence (CHU) de la rue Monsieur Vincent, appartenant à Archipel Habitat et géré par l’Association. Inaugurée en septembre 2012 dans le quartier de la Poterie, dans les anciens locaux de la caisse d’allocations familiales, agrandis et rénovés pour l’occasion, cette résidence à la façade habillée d’un élégant bardage en bois dispose de 40 places d’hébergement. Fait notable : l’établissement propose désormais cinq chambres pour les familles, qui représentent une part non négligeable (38%) des appels reçus au 115. à ces 40 places de la rue Monsieur Vincent s’ajoutent 9 places « diffuses », (au sein de « CHRS éclatés ») réparties dans l’agglomération rennaise. Ces studios, T1 ou T3 permettent eux aussi de préparer la sortie vers un logement de droit commun. Les bénéficiaires y séjournent en moyenne près de six mois, selon les statistiques de l’association. Le temps, là encore, de se reconstruire progressivement.

     Le siège historique de l’association, rue du Bois-Rondel à Rennes, abrite quant à lui, un CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale) doté de 60 places, uniquement destinées aux hommes seuls. Aux 51 places d’insertion proposées dans ce cadre viennent s’ajouter les 9 places du dispositif de stabilisation, ainsi nommé car il permet aux personnes malades ou en situation de fatigue extrême de reprendre des forces et d’imaginer un projet, avec le soutien des équipes d’accompagnement spécialisées, et sans limitation de durée a priori.
    Comme le souligne Pierre Grasset, le président du Foyer Saint-Benoît Labre, les projets ne manquent pas : « nous travaillons actuellement à un la création d'un Point accueil de nuit (PAN), qui permettra d’offrir une halte nocturne, sans couchage, un peu à l’image du point d’accueil de jour Le Puzzle, géré par la Sauvegarde. Nous avons également un projet de restructuration du foyer de la rue du Bois-Rondel, afin d’améliorer nos conditions d’accueil », explique-t-il. Ses équipes le savent bien : la lutte contre la précarité n’est jamais définitivement gagnée.