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Initiatives urbaines
#23
RÉSUMÉ > Marc Dumont est maître de conférences en aménagement urbain. Il est membre du laboratoire Eso-Rennes (Université de Rennes 2) et du Laboratoire LAUA (Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes). Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes. Il partage sa veille des innovations urbaines, insolites, amusantes et instructives, ici et ailleurs.

Pour faire du vélo un instrument d’aménagement urbain et d’une nouvelle vision de la ville, les idées ne manquent pas. Comme celle, à Bordeaux, du premier prototype du Pibal, le vélo-patinette. Imaginé par le designer Philippe Starck, ce vélo en aluminium de 16 kg permet de pédaler, de patiner et de porter un enfant. Il a été conçu à partir des idées des Bordelais, consultés il y a un an via un site Internet. Fabriqué par Peugeot pour un coût unitaire de 420 €, il viendra renouveler le parc des 3 500 vélos mis gratuitement à disposition des habitants depuis plus de dix ans. À Strasbourg, les cyclistes vont avoir leur première rocade! La ville s’est en effet lancé le défi d’être la première de France à mettre en place un périphérique destiné aux cyclistes, avec une mise en service programmée dès cet été. Concrètement, il s’agira de réaliser une sorte de rocade cycliste, avec des portes identifiées et des connexions avec des radiales qui permettront de desservir l’ensemble du territoire en moins de 30 minutes. Strasbourg veut ainsi continuer son développement en faveur de la pratique du vélo mais, cette fois, sur des trajets plus longs à l’instar de Copenhague.
Arcachon, elle, offre tout simplement des vélos à ses administrés! Sur 6 000 foyers, plus de 1 600 personnes en ont fait la demande et 300 habitants ont reçu « le vélo d’Arcachon » aux couleurs de la ville, fin janvier. La commune en a commandé 2 000 à ce jour pour un prix unitaire de 137 €, soit un budget de 274 000 €. Mais celui-ci n’est pas limité et s’adaptera à la demande. En comparaison, un système de vélos en libre service avait été évalué à 800 000 €. Pas de quoi hésiter!

Des partenaires privés pour des écoquartiers d’envergure

Les écoquartiers foisonnent, mêlant opérations classiques d’urbanisme et innovations de grande envergure dans le cadre de partenariats entre des acteurs publics et privés. L’écoquartier des Portes d’Orly en est un exemple, fruit du partenariat avec Eiffage Immobilier et Nexity-Pégase. L’Établissement public d’aménagement Orly Rungis-Seine Amont et la Ville de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) viennent de choisir ces deux opérateurs pour construire 80 000 m2 de logements, bureaux et commerces sur deux ZAC au sud de Paris, à l’issue d’une consultation de plusieurs mois. Les deux promoteurs se sont engagés à réserver 20% des logements à des prix maîtrisés, ainsi que 12 000 m² de bureaux et 95 logements en accession. Le principe, pour la collectivité, est de céder les charges foncières aux opérateurs à un niveau moyen qui leur permettra de réaliser une partie du programme à prix maîtrisé. Toulouse lance son premier véritable écoquartier, sur la ZAC de la Cartoucherie, avec un objectif de 3 100 logements, dont l’aménagement est dédié à la SPLA Oppidea. L’opération est particulièrement complexe en raison de la pollution du site. Elle associe encore Eiffage immobilier au bailleur social Colomiers Habitat et à l’agence d’architecture SCAU. Certains partis pris y sont intéressants comme la proximité de la ligne de tramway ou la place laissée aux espaces publics (50 %). Le quartier de 33 hectares accueillera à terme 3100 logements, 6 000 m2 de commerces de proximité et 90 000 m2 d’activités. Le quartier aura aussi une vocation culturelle avec la venue en 2015 de Mix’Art Myrys dans la grande halle rénovée.

Certaines villes ne savent plus où donner de la tête pour se faire remarquer. Un quartier de Londres s’est ainsi mis en tête d’infliger des amendes aux obèses. La municipalité de Westminster, dans le centre-ville, envisage en effet de réduire les allocations des personnes en surpoids qui ne suivraient pas de programme de remise en forme. Cette idée pousse à l’extrême des initiatives locales déjà existantes en Grande-Bretagne, où des municipalités autorisent des médecins à prescrire gratuitement des activités physiques dans les salles de sport et piscines qu’elles gèrent. Cette démarche s’est diffusée tout récemment en France à Strasbourg qui finance à titre expérimental des séances de sport sur ordonnance pour certains malades. Il faut dire qu’en Grande-Bretagne, où un quart de la population est obèse, une partie des prérogatives de politique de santé publique a été confiée aux autorités locales, qui versent par ailleurs des allocations financées par les impôts locaux. Toujours en Grande-Bretagne, la ville de Brighton s’adapte aux théories du genre en réalisant des toilettes publiques « neutres ». Les nouveaux WC seront ouverts indifféremment aux hommes et aux femmes. Sur les portes sont prévus des pictogrammes représentant un homme, une femme et un enfant ensemble, signifiant que les lieux sont ouverts à tous, indépendamment du sexe et de l’âge. Dans cette ville, connue pour son positionnement gay friendly, la population lesbienne, gay, bi et trans est estimée à 40 000 personnes. Ouvrir la ville à tous, c’est aussi cette initiative de Google qui a installé le wifi gratuit extérieur dans tout un quartier de New York. Ce réseau couvre vingt pâtés de maison de ce quartier de Manhattan où Google a des bureaux depuis 2006. Le quartier est le premier de Manhattan à avoir un wifi extérieur totalement gratuit, auquel accèdent plus de 100 000 personnes.

À Nice on peut trouver des places de parking grâce à son smartphone. La ville vient en effet de lancer Nice Park, un système innovant de stationnement intelligent qui s’appuie notamment sur l’usage des smartphones et du wifi. Dans cette ville, où il faut en moyenne une demi-heure pour trouver une place en centre-ville et où 20 % du trafic est généré par la recherche d’un stationnement, la municipalité a décidé de remplacer les vieux horodateurs par des bornes qui sont autant de terminaux de son service Nice Park. La nouvelle génération d’horodateurs à antenne wifi travaille de pair avec une application sur téléphone mobile. Le système est simple: des capteurs sont insérés dans les trottoirs. Ils détectent la présence ou non d’un véhicule sur la place de stationnement et envoient ensuite l’information aux horodateurs de nouvelle génération. Actuellement 70 horodateurs sont équipés et 1 000 capteurs ont été installés. Toujours à Nice, c’est parti pour le réaménagement de la Gare Thiers, près de trois ans et demi après le démarrage des premières études. Vaste projet de réaménagement de la gare centrale, cette opération est pilotée par Gare & Connexions avec Arep et par RFF sur la partie infrastructures (la métropole prenant en charge des travaux de voirie annexes), afin de transformer un bâtiment qui n’a pas subi d’intervention majeure depuis sa création en 1867 en un véritable pôle d’échanges multimodal pouvant accueillir 11 millions de voyageurs par an, à l’horizon 2020. Dans le projet à plusieurs tranches, on retrouve encore des marchés attribués à Eiffage TP-EMGC…

Deux initiatives, à Angers et Marseille, visent à rationaliser la consommation d’énergie en ville. Marseille utilise ainsi l’eau de mer pour chauffer et rafraîchir: les tout nouveaux bâtiments de la Villa Méditerranée et du Mucem construits côte à côte sur un site étroit bénéficient d’un même système climatique innovant qui utilise l’eau de mer. Déjà en service à Monaco et dans deux bâtiments de la cité phocéenne, le procédé consiste prélever les calories de l’eau de mer l’hiver ou à les y évacuer l’été. Affichant un EER (Energy efficiency ratio) de 5, il ouvre des perspectives prometteuses en termes d’économies d’énergie. Les canalisations ont été immergées dans la rade par une entreprise spécialisée, suite à une étude qui a permis d’optimiser l’implantation en fonction des courants marins. Pour résister à l’eau de mer, il a tout de même fallu des équipements en inox ou en titane! Angers quant à elle parie sur l’incinération des déchets… et des copeaux de bois! Depuis octobre 2012, deux quartiers de la ville sont chauffés par une centrale de cogénération biomasse qui remplace l’ancienne unité d’incinération des ordures ménagères. L’électricité produite est revendue à ERDF avec un tarif bonifié, permettant de maîtriser le coût de l’opération. La centrale fournit à la fois de la chaleur et de l’électricité verte à partir de copeaux de bois. La chaleur est distribuée, via un réseau souterrain de 29 km, à 14 000 logements. La commune justifie le choix de la biomasse comme source d’énergie verte, par la gestion durable des forêts qui composent la source primaire. Du point de vue des émissions de CO2, le bois serait neutre car il ne rejetterait, lors de sa combustion, que le carbone qu’il a capté pendant sa croissance.

Dans le concert des réalisations phares signées par de grands architectes globaux, le musée d’art de Rio détonne un peu. Celui-ci, qui vient d’être inauguré, est destiné à être le coeur culturel de la zone portuaire en cours de rénovation. Installé sur la place Maua, le nouvel équipement comporte deux structures, le Pavillon d’exposition – situé dans l’ancien Palacete Joao VI, construit en 1916 de style éclectique – et l’École du Regard, installée dans l’immeuble voisin de style moderne. Cette ancienne gare routière de la ville permettra aux 600000 élèves des écoles publiques de Rio d’apprendre à lire une oeuvre d’art. Les deux bâtiments de six étages, entièrement rénovés, sont reliés par une passerelle et surmontés d’un « toit fluide », ondulé comme une vague, de 1700 m² et 15 centimètres d’épaisseur qui a exigé près de 800 tonnes de béton. Dans les quatre étages où se trouvent les huit salles d’exposition ne figurent que des collections temporaires (de cinq mois) où les 3000 pièces actuelles de la collection du musée en formation y sont mélangées. L’ouverture de ce musée s’inscrit dans le cadre de l’achèvement de grands travaux entrepris par la mairie en vue de la modernisation de la ville pour le Mondial de football de 2014 et les Jeux Olympiques de 2016. Toujours dans le domaine de l’art, c’est un très baroque magasin Le Printemps qui sort de terre à Strasbourg. À l’angle de la place de l’Homme de fer, le grand magasin domine la plus grande station du réseau strasbourgeois de tramway. Il vient de faire l’objet d’une audacieuse prouesse architecturale signée par l’architecte designer Christian Biecher, avec une façade de verre et d’aluminium anodisé. Inspiré par les colombages, la flèche de la cathédrale et les constructions néo-classiques du quartier allemand, le concepteur a voulu décliner un urbanisme « rythmé » mais aussi « plié », comme un vêtement! L’architecte ne dissimule pas son admiration pour le couturier japonais Issey Miyake dont il a réalisé le siège social à Tokyo.

Le low cost se met à l’heure des villes !

Le bas coût concerne aussi les maisons de retraite… Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes géré par le Département de l’Essonne offre des places à 60 € par jour, ouvrant l’idée d’un « service public de l’âge ». Cette maison de retraite est située à proximité de Courcouronnes. Elle a coûté 9,7 millions d’euros au Département. L’établissement est 100 % public, de l’acquisition des lieux à sa gestion. Deux autres établissements du même type sont en construction dans le département, dont un situé à Morangis qui ouvrira ses portes en mai prochain. L’objectif? Anticiper la hausse du nombre de personnes âgées en Essonne tout en proposant des services de qualité à des prix abordables. Un choix très intéressant quand on sait que le prix des places en Île-de-France est plus élevé qu’en province (2 242 € par mois contre 1 819 € hors Île-de- France). Dans un tout autre domaine, mais il s’agit encore d’économie, une agence autrichienne vient de mettre au point un bâtiment fonctionnant grâce à l’énergie fournie par des algues! Baptisé BIQ, la structure serait la première du genre. Conçu spécialement pour le Salon international du bâtiment à Hambourg, l’édifice recouvert d’une façade « bio-adaptative » constituée de micro-algues devrait ouvrir ses portes dans les prochaines semaines. La façade est en fait constituée d’une succession de volets « bio-réactifs » remplis d’algues. Ceux-ci permettent aux algues de survivre et de se développer plus rapidement, tout en procurant l’ombre nécessaire pour l’intérieur du bâtiment. Les bio-réacteurs intégrés aux volets captent l’énergie thermique dégagée par les algues qui est ensuite utilisée pour alimenter le bâtiment. Du bio low cost, en quelque sorte…